Georges Perec et les autobiographies masquées

jeudi 25 mai 2017, par Élizabeth Legros Chapuis

En cette année 2017, trente-cinq ans après sa mort, Georges Perec est l’objet de nombreuses célébrations, associées ou non à la parution dans la Pléiade de deux volumes de ses œuvres ainsi que d’un Album Perec. Une belle soirée lui était ainsi consacrée le 23 mai au Musée de l’Art et de l’Histoire du Judaïsme, avec la participation de Christelle Reggiani, maître d’ouvrage de cette édition, de Jean-Luc Joly, président de l’Association Georges Perec, de Claude Burgelin, auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l’écrivain, et de Robert Bober, son ami cinéaste, avec qui il avait réalisé en 1979 le film Récits d’Ellis Island.

Le nombre de ces manifestations, a estimé Jean-Luc Joly, témoigne du fait que Perec est en passe de « devenir un mythe littéraire ». Contrairement à d’autres auteurs récemment disparus, il n’a pas connu de purgatoire et ses œuvres sont largement lues et étudiées aujourd’hui.

Les intervenants ont notamment développé les aspects autobiographiques des livres de Perec, dont le projet d’écriture mêle le réel et l’imaginaire pour (re)construire une mémoire. Si le seul ouvrage ouvertement autobiographique reste W ou le souvenir d’enfance (Denoël, 1975), bien d’autres livres attestent de cette tentative, comme le roman La Vie mode d’emploi (Hachette, 1978) dont les huit premiers chapitres, à l’origine, étaient écrits à la première personne. Claude Burgelin a rappelé à ce sujet une note de Perec en 1968 disant « Il faudrait dire je. Il voudrait dire je ». Pour Perec, note Burgelin, la difficulté inhérente à cette démarche s’est traduite par des « façons de dire masquées », où il cherche à la fois à se dissimuler et à se laisser découvrir.

On a également évoqué comment les traces de la judéité marquent des livres comme W ou encore Le Voyage d’hiver, et le film Un Homme qui dort caractérisé par « une identité évidée ». Mais le manque de transmission des origines dans lequel Perec s’est trouvé à la suite de la disparition prématurée de ses parents l’a conduit à une situation d’exil par rapport à la communauté juive.

La soirée s’est achevée avec l’intervention de Robert Bober, qui a rappelé avec émotion la genèse des Récits d’Ellis Island. Il a aussi montré des photos de la rue Vilin, objet de son film En remontant la rue Vilin, cette rue de Belleville aujourd’hui disparue, où Perec avait vécu dans sa petite enfance.

Petite bibliographie

David Bellos, Georges Perec. Une vie dans les mots, éd. du Seuil, 1994
Claude Burgelin, Georges Perec, éd. du Seuil, 2002 (nouvelle édition)
Philippe Lejeune, La Mémoire et l’oblique. Georges Perec autobiographe, P.O.L, 1991