Aux origines de l’APA : Chantal Chaveyriat-Dumoulin (1928-2019)

jeudi 16 mai 2019, par Philippe Lejeune

L’APA vient d’apprendre avec tristesse le décès de notre amie Chantal Chaveyriat-Dumoulin qui a joué un rôle éminent dans la fondation de l’association. Philippe Lejeune lui rend ici hommage.

En janvier 1990, après la lecture de Cher cahier, mon livre-enquête sur le journal personnel, Chantal m’a envoyé non pas son propre témoignage, mais quatre pages fines, profondes, étonnantes du journal de jeune fille de son arrière-grand-mère, Claire Pic. J’ai été ébloui, j’ai demandé à lire tout le reste, et nous sommes devenus amis. Chantal a été mon inspiratrice sur deux plans. Elle m’a donné l’idée d’aller explorer un continent inconnu, celui des journaux de jeunes filles du XIXe siècle. Au bout d’un an d’enquête, Claire Pic s’est retrouvée au milieu d’une centaine de ses compagnes diaristes dans Le Moi des demoiselles.

Elle m’a surtout donné l’idée de créer l’APA. Depuis plusieurs années je cherchais à sauver les écrits personnels des gens ordinaires, persuadé de leur valeur littéraire et de leur intérêt humain. Les institutions auxquelles je m’étais adressé (Parc romantique George Sand, médiathèque Rousseau de Chambéry, CNRS – j’étais même allé jusqu’à l’Élysée) m’avaient toutes poliment ri au nez. Chantal m’a donné un bon conseil, une leçon de démocratie et d’esprit pratique : aide-toi, le ciel t’aidera. Ne pas compter sur les autorités, partir de la base et créer une association loi de 1901. Je ne savais pas comment cela fonctionnait, elle m’a expliqué.

Le 19 juin 1991, à l’université de Nanterre, elle a profité d’une journée d’étude « Archives autobiographiques » que j’avais organisée avec Michelle Perrot pour lancer son fameux « Appel du 19 juin », appel à la création d’une association qui archiverait et valoriserait les écrits autobiographiques de tout un chacun. Nous avions un modèle, l’Archivio Diaristico Nazionale, domicilié dans un petit village de Toscane. Notre domicile à nous était tout trouvé : la Grenette, médiathèque d’Ambérieu, disposait d’espace vacant pour nos futures collections. Chantal a convaincu son directeur, Michel Vannet, et tous deux ont convaincu le Maire. En novembre 1991, chez moi à Fontenay-aux-Roses une quinzaine de personnes se réunissent sous sa houlette pour élaborer les statuts et baptiser la future association. Elle insiste pour que le mot patrimoine figure dans son nom.

En mars 1992, l’association est créée et Chantal en est présidente. Elle le restera deux ans, le temps de mettre en place les mécanismes fondamentaux de l’APA, en particulier la lecture en sympathie et la rédaction des « échos de lecture », la publication d’une revue intitulée La Faute à Rousseau, l’organisation de journées de rencontre à Ambérieu, et ensuite elle passera la main à Michel Vannet tout en restant très active. Je me souviens en particulier d’une visite que j’ai fait avec elle dans la maison d’Oncins, où elle m’a fait visiter ses archives familiales dans leur foisonnement. Quelques années plus tard, en 1997, lors de l’exposition Un journal à soi à Lyon nous avons pu grâce à elle consacrer une vitrine entière aux écrits d’une même famille sur quatre générations, elle-même représentant, avec son charmant journal des années 1941-1944, la quatrième génération. Elle a continué à accompagner les développements de l’APA, jusqu’à déposer elle-même ces dernières années dans son fonds les cahiers originaux du journal de Claire Pic. Chantal a été notre fondatrice et restera notre inspiratrice. Merci du fond du cœur, Chantal !

En photo, Chantal Chaveyriat-Dumoulin devant le château des Allymes à Ambérieu, pendant les Journées de l’APA 2007 qui fêtaient également les 15 ans de l’association