couverture l'or des rivières

Françoise Chandernagor, L’or des rivières, Gallimard, 2024, 300 p.

Note de lecture par Véronique Leroux-Hugon

Membre de l’Académie Goncourt, c’est d’une belle plume que Françoise Chandernagor présente ici l’évocation de sa région de sources et d’eaux, en Creusoise passionnée pour « ses » terres.

C’est plutôt l’autobiographie d’une région, si j’ose dire, qu’on lit ici, tant l’auteure mêle à de somptueuses descriptions d’une Creuse méconnue baignée par les Eaux-semblantes, soit le titre d’un tableau de Monet qui l’a souvent peinte, le souvenir de l’épopée des maçons creusois, dont elle est descendante.
Issus d’une région pauvre, ces fiers bâtisseurs ont depuis des siècles pris le chemin de la capitale, maçonnant et édifiant d’innombrables constructions, bricolant leur propre demeure comme cette « maison biscornue », bâtie par son grand-père, pièce par pièce, étage par étage. Sa descendante rappelle la misère qui incitait au départ, les ravages de l’épidémie de choléra en 1832, la participation des Creusois à la Commune en 1870, qui leur valut internement ou déportation.

Elle défend activement cette région à la forte identité, partant à plusieurs reprises en guerre contre les zadistes ou le Grand Réchauffement, considéré presque comme un ennemi personnel, tant il est néfaste aux arbres, aux étangs et aux écrevisses.

Françoise Chandernagor s’identifie à sa voisine George Sand, dont elle a visité la maison et admiré l’Histoire de ma vie : la Bonne Dame de la Creuse peut-être ?

Se rappelant une enfance peut-être comparable, où elle participait aux moissons et à la bourrée, elle insère par moments des remarques plus personnelles. Ainsi ce nom de Chandernagor : on pense aux comptoirs de l’Inde, à Marguerite Duras. De fait l’écrivaine expose quatre pistes possibles à l’origine de ce nom : celle du fils illégitime, aussi surnommé Bengale, d’une aristocrate, celle d’un Africain de la Réunion, celle d’un marin poitevin engagé dans l’Armée des Indes ou encore le « cadeau » offert au 18e siècle à une noble dame, Madelaine de Bussy ? « Cette interminable quête des origines avait nourri très tôt mon imagination et je lui dois sans doute d’être devenue ce que je suis : une romancière. »

Elle raconte enfin longuement sa maison et son domaine, amoureuse des fleurs et des arbres qu’elle est. La vaste demeure, objet de travaux incessants est décrite en détail, ce qui n’est pas une mince affaire, compte tenu de leur nombre et de la multiplicité des coins, recoins et autres caves. Elle a apporté à son aménagement un soin attentif, tant chaque meuble, chaque objet est en soi souvenir.

C’est dans ce cadre tant aimé qu’elle a rédigé ce dernier livre, après beaucoup d’autres, tout imprégné de son Moi mêlé à sa région et à sa demeure.