Un amour de la route
L’APA a bénéficié, grâce à Sylvie Le Bon de Beauvoir, l’exécutrice testamentaire de Simone de Beauvoir, de l’important dépôt des journaux et correspondances que Blossom Margaret Douthat, une jeune étudiante américaine, avait laissé à celle-ci à la suite de son séjour en France. Cet ensemble a été déposé sous le titre général de Journal de Joanne et constitue le dépôt APA 3578,00.
Des dix-huit gros classeurs et 8000 pages manuscrites de cet ensemble Les Editions du Mauconduit ont choisi de publier les lettres que Blossom a adressé à Simone de Beauvoir entre aout à octobre 1958. Envoûtantes, tourmentées, ces lettres racontent, sous la forme d’un journal intime un voyage en auto-stop de Paris à Milan. D’une liberté absolue, la jeune Blossom a décidé de coucher avec qui lui plaira "sans me retenir mais sans m’attacher" et pourvu que l’amant soit de gauche... Simone de Beauvoir note à son propos dans La Force des choses : "Je lui ai conseillé d’écrire, il me semble qu’elle le pourrait parce que dans cet extravagant journal quelquechose "passe" et même quelque chose de fort".
En dehors de son intérêt historique et de l’histoire romanesque qui entour la découverte de ce manuscrit exceptionnel, Un amour de la route est une tentative d’oeuvre littéraire à part entière qui relève à la fois de la correspondance, du journal et du roman. La jeune femme caresse le rêve fou d’une écriture qui aurait plus de réalité que la vie.
L’été aventureux d’une étudiante américaine
À la fin des années 50 Blossom Douthat, une étudiante américaine, séjourne en France, où elle fait des études en Sorbonne. Elle y rencontre Simone de Beauvoir et conçoit pour elle une véritable fascination. Elle l’évoque dans son journal intime, l’extraordinaire Journal de Joanne (18 volumes, 8000 pages…), originellement confié par son auteur à Simone de Beauvoir et récemment déposé dans le fonds APA par sa fille Sylvie Le Bon de Beauvoir. Les lecteurs de La Faute à Rousseau ont pu découvrir dans le numéro 79 (octobre 2018, p. 62-71) une présentation et une dizaine de pages d’extraits de ce Journal.
Pendant l’été 1958, Blossom entreprend un grand périple en auto-stop qui doit la mener de Paris à Milan, ayant décidé qu’en route elle pourra coucher avec qui lui plaira, « sans me retenir mais sans m’attacher »… Sans s’attacher, facile à dire. « Elle tombe sous le charme d’un camionneur, Raymond le Niçois, la quarantaine, communiste (elle ne couche qu’à gauche), souriant, mystérieux, qu’elle croit célibataire et rêve d’épouser, et qui, après une nuit merveilleuse dans la couchette du camion, va la mener en bateau tout l’été… », indique Philippe Lejeune dans sa préface. Le récit de ces aventures, Blossom le retrace dans des lettres-fleuve adressées à Simone de Beauvoir – lettres désormais détenues elles aussi dans le fonds APA. « Ces huit lettres, parfois immenses (la plus longue aura 76 pages), […] tissent un double récit vertigineux » entre le présent et la reconstruction « du vécu immédiat de celle qu’elle a été, avec son intensité, ses naïvetés, ses erreurs ».
Les éditions du Mauconduit nous donnent le texte intégral de ces lettres passionnantes et passionnées, dont l’auteur se regarde avec une rare lucidité. À travers elles, Blossom tente de construire une œuvre littéraire à part entière qui relève à la fois de la correspondance, du journal et du roman tout en restant dans le champ autobiographique. Un amour de la route : lettres à Simone de Beauvoir, août-octobre 1958, par Blossom Margaret Douthat, préface de Philippe Lejeune, éd. du Mauconduit, 2020, 256 p.
Lire aussi : Le Journal de Blossom, une offrande à Simone de Beauvoir, compte-rendu de la Matinée du journal APA du 24 novembre 2018