Marie-Claude Denis : Traces. Carnets autobiographiques

jeudi 22 octobre 2015, par Madeleine Rebaudières

Québec, Les Écrits d’à côté, 2015

Laisser des Traces, pour son fils, sa belle-fille et les petits-enfants à venir. À partir de plus de 25 carnets autobiographiques, « le chant des jours », et d’un travail d’écriture d’une douzaine d’années, effectué dans le cadre des « ateliers de création littéraires » de la fondatrice de la maison d’édition Les Écrits d’à côté.

Les grands espaces et le goût des mots depuis l’enfance en Abitibi : « j’écris terre, et me voilà au monde. J’y vois du sable fin, de l’herbe verte, du trèfle parfumé. J’écris eau et je revois le lac de mon enfance, clair, pur. J’écris air, j’entends une chanson fredonnée par ma mère. J’écris feu et je vois rougir le fer que mon père a mis aux charbons de la forge… »

Onze enfants, des parents aimants qui ont transmis leur énergie, le goût du travail bien fait et de la beauté du monde. De « ciel brouillé » en « soleil mouillé », « tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté ». Mais les épreuves sont là, bien réelles : la mort accidentelle de son jeune mari, Pierre. « La mort donne l’obligation d’aimer ». Félix Leclerc chante : « c’est grand la mort, c’est plein de vie dedans » (La vie, l’amour, la mort). C’est pourtant une crise existentielle et la solitude.

L’auteure réalise sa « mise au monde » grâce au travail de rédaction de sa thèse de psychologie à Strasbourg où nous nous sommes rencontrées. Le titre en est : La psychothérapie : entre narcissisme et création . L’approche est humaniste, optant résolument pour le développement de la santé et de la vitalité. Présence à soi, ouverture au monde et à l’agir dans une optique gestaltiste. « Être simplement au cœur de la création ». Sa pratique et son enseignement de psychologie se fondent sur ces bases positives. Une année sabbatique la conduit à Rome d’où elle revient enceinte et se réalise comme mère. Son enseignement à l’université et son fils équilibrent sa vie.

Plus tard, une collaboration avec l’université de Lusaka lui permet de découvrir la lumière d’Afrique en Zambie, un nouveau continent. Une « culture différente », des « sollicitations qu’il faut décrypter… la confrontation à des demandes d’aide, tout Américain ou Européen étant perçu comme le riche dans un pays pauvre ». La prégnance du groupe et des traditions sur l’individu. La beauté des paysages : « Regarde, regarde l’étoile, elle brille… ». Le baobab vénéré, superbement photographié. Elle revient dans ses bois de la région des trois fleuves où elle vit, soigne ses arbres et cultive son jardin.

Nos retrouvailles en 2013, lors d’un récital de son chœur féminin de l’université du Québec à Trois-Rivières sur le thème : " De glaces et d’espaces, dans les hivers de la Nouvelle-France", à travers les Lettres de la Tourangelle Marie Guyart (qui a fondé à Québec la première école pour filles en 1639) et les Chansons de Gilles Vigneault, Félix Leclerc et Claude Léveillée. Une tournée chez les Ursulines de Tours, Angers, Nantes, Saint-Malo, Caen qui se termine au kiosque du Jardin du Luxembourg.

Ses Traces, une belle découverte et l’occasion de méditer sur le fait que l’on ne « pénètre jamais » les autres, on les « feuillette » seulement (Henri Michaux, Poteaux d’angle), même lorsqu’on a partagé des moments de leur vie. Une vie ici ressaisie par l’écriture de l’intime, unifiée et rythmée par de belles photos. Un hymne à la vie : « Gracias a la vida ».

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