Virginie Linhart : Une sale affaire

mardi 6 février 2024, par Martine Lévy

Flammarion, 2024

Virginie Linhart est documentariste et autrice. Fille de deux militants d’extrême gauche, figures de Mai 68 – son père est Robert Linhart, auteur de L’établi –, elle mêle dans ses livres (Le jour où mon père s’est tu, Vivre après, Volontaires pour l’usine…) son histoire intime et l’histoire collective, politique et sociale.

Une sale affaire est le récit d’un procès littéraire, suite à un « référé en vie privée » : la mère de l’autrice, qui a porté haut et fort les revendications d’une génération pour qui il était "interdit d’interdire", pionnière de l’émancipation, tente d’empêcher sa fille de publier son livre L’effet maternel pour « atteinte à la vie privée ». Sa plainte se fait conjointement à celle de E., ancien partenaire de l’autrice et géniteur de la fille aînée de cette dernière. Une enfant dont il ne voulait pas, demandant à sa compagne d’avorter. Fille qu’il n’a jamais voulu rencontrer. Ils réclament la suppression de 68 pages du livre (68 !)

Ce livre est la chronique d’un procès littéraire, que pour ma part je n’avais jamais lue, mais aussi de la sidération de l’autrice « De quoi dois-je me défendre au juste ? », de la préparation de ce procès (demande d’attestations aux uns et aux autres) et de la revendication de l’écriture nécessaire et vitale : Virginie Linhart revendique la littérature comme le « seul moyen que j’ai trouvé pour [se] construire ». « J’écris pour mettre en mots ce qui n’a jamais pu être dit et entendu. J’écris parce que j’en crèverais de ne pas le faire » (p. 125).

Cette chronique judiciaire témoigne de la force des lois qui protègent la libre création. L’autrice découvre que des textes sont entièrement dédiés à la question de l’autofiction et que toute personne est en droit d’écrire, ne leur en déplaise, au sujet de ses proches. L’effet maternel paraîtra aux éditions Flammarion in extenso en février 2020, 5 jours après le jugement. « Depuis le jugement et la parution de L’effet maternel, 4 ans se sont écoulés. Et je n’ai cessé de m’interroger sur l’écriture autobiographique. A qui appartient l’histoire ? » écrit l’autrice.
C’est à cette question que tente de répondre Une sale affaire.

Ce livre est au cœur des préoccupations de l’Association pour l’autobiographie.

A propos du livre Le jour où mon père s’est tu on pourra lire sur notre site la note de Laurence Martin et celle de Bernard Massip