Agnès Varda : Les plages d’Agnès

jeudi 18 décembre 2008, par Madeleine Rebaudières

Film et DVD

Agnès Varda se met en scène et revisite les plages de sa vie. D’abord les plages belges de son enfance, la plage de Sète de la période de la guerre, celles de Californie où elle séjourna longtemps avec Jacques Demy et surtout celles de Noirmoutier où ils ont acquis un moulin abandonné. Les retours sur ces lieux sont, bien sûr, empreints de nostalgie et de douleur à cause des disparitions, celle de son compagnon étant la plus éprouvante. Mais elle y mêle un humour fou, des inventions superbes de poésie et de tendresse. Elle se laisse aller à ses rêveries, elle les réalise, ainsi la scène des trapézistes voltigeurs sur fond de mer ou sa navigation en barque à voile latine sur la Seine. Elle utilise ses photos et les images tirées de ses films et de ses installations récentes. On revoit, grâce à des archives, des acteurs inoubliables comme Jean Vilar, Gérard Philipe, Maria Casarès, et bien d’autres. On entre dans le décor de sa vie dans le 14ème arrondissement de Paris. Un mélange de fictions et de reconstitutions, « des bribes de ses créations récentes » font revivre le passé avec une légèreté et des couleurs merveilleuses. Le son est très étudié. Le puzzle de sa vie très riche en rencontres et en créativité, se reconstitue sous les yeux des spectateurs fascinés.

C’est un beau voyage que nous propose, pour ses « quatre-vingts balais », avec l’aide de sa joyeuse équipe, cette artiste accomplie. Le commentaire, dit par elle, est très écrit, très juste. Pas de pathos, mais le désir de laisser une trace de son passage. Dans un papier de présentation, elle cite Montaigne qui, dans la préface à ses Essais, écrit : « Je l’ai voué à la commodité particulière de mes parents et amis : à ce que m’ayant perdu (ce qu’ils ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver certaines de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entière et plus vive, la connaissance qu’ils ont eue de moi. ». Elle se demande, d’ailleurs, à la fin du film en regardant évoluer ses enfants et petits enfants tout de blanc vêtus si elle les connaît vraiment. Une rêverie dont on sort enchanté. Avec, en prime, les réflexions profondes d’une vieille dame qui paraît si jeune et se demande « pourquoi et comment être cinéaste dans un monde qui va si mal ».