Aharon Appelfeld : Histoire d’une vie

mercredi 14 septembre 2005, par Bernard Massip

L’Olivier, 2004

Ce n’est pas une autobiographie classique que nous livre Aharon Appelfeld mais plutôt « des fragments de mémoire et de contemplation », arrachés à son histoire tragique dans les tourments du siècle passé.

Les faits échappent souvent, la mémoire, plus que dans les mots, s’est inscrite dans le corps même de l’enfant à partir de sensations élémentaires, elle remonte à l’occasion et il parvient alors à la cerner en une langue simple, dénuée de tous pathos, en de courtes scènes puissamment évocatrices et qui sont parfois à la fois terrifiantes et empreintes d’une paix surréelle.

Images lumineuses de la petite enfance en Bucovine entre ses parents juifs assimilés et aisés de la ville et ses grands-parents à la spiritualité simple et forte à la campagne. Horreurs du ghetto et du camp. Fuite de l’enfant, seul, et vie errante, dans les forêts. C’est le temps de la faim, de la soif, de la peur, c’est aussi l’apprentissage du silence, de l’écoute, la communion avec la nature, les plantes et les animaux. De rares figures de justes émergent dans le chaos, mais tellement importantes, elles font « jaillir la lumière dans l’obscurité ». Puis c’est la montée en Palestine, la solitude profonde en Israël, il faut apprendre laborieusement une nouvelle langue (mais n’est-ce pas trahir celle des morts ?), il faut tenter de construire sa vie à partir de rien. « Oublie la diaspora », lui dit-on, « plante tes racines dans la terre », mais il cherche au contraire à préserver en lui ce qu’il peut du monde d’avant, à relier entre elles les différentes phases de son existence.

Il suit des cours, lui qui a été arraché à l’école dès son plus jeune âge, entre à l’université hébraïque, cherche à entretenir les langues de ses pères, fréquente les penseurs du retour à la spiritualité juive, devient écrivain. Il a conquis les mots, lui qui s’en méfie tant et parvient à dire par eux les mystères, la contemplation, le silence...