Alain Cavalier : Irène

mercredi 25 novembre 2009, par Sylvette Dupuy

Film

Depuis La rencontre tourné avec une petite caméra numérique, Alain Cavalier s’intéresse à un autre cinéma : celui de l’intime.

Avec Irène, le fil conducteur est son journal intime tenu il y a près de quarante ans et qu’il ouvre à nouveau et dont il filme certaines lignes. « Mais le danger de ces carnets, c’est Irène » nous annonce-t-il très vite, de sa voix douce. Irène, sa femme, la comédienne Irène Tunc, morte dans un accident de voiture en 1972. Avec insistance, il revient à la maison amie d’où est partie, un soir de novembre, Irène pour aller se promener en forêt, sans l’attendre, lui qui avait encore quelque tâche à accomplir. Il filme la pièce d’où il s’est penché pour la voir une dernière fois, le jardin où elle s’est tenue dans sa vision pour la dernière fois ; il revient sur cette même fenêtre en filmant une photo de la maison, comme s’il voulait exorciser le passé, effacer sa culpabilité (pourquoi ne pas l’avoir accompagnée ce soir-là, elle qui était si fragile, si désemparée parfois ?).

Alain Cavalier veut parler d’elle mais renonce à engager une autre comédienne. Donc, il se filme, y compris dans ses extrêmes maladresses (il tombe dans un escalator aux Halles), y compris les manifestations de son corps qui se révolte contre l’évocation douloureuse du passé (accès de goutte, zona). Il filme surtout l’absence, une couette enroulée sur un lit ressemblant à un corps féminin, des chambres où ils se sont aimés, le téléphone qui a annoncé la terrible nouvelle, la ville de Lyon où elle a grandi. A la recherche du temps perdu. C’est poignant. N’en déplaise à certains, c’est cela aussi, le cinéma.

(On peut lire dans le N° 53 de la Faute à Rousseau parue en février 2009 un article plus développé sur ce film important)