Avril – Avril. Lettres à Lula (lectures)

mercredi 17 juillet 2019, par Madeleine Rebaudières

Une initiative de Maud Chirio, mise en scène Thomas Quillardet & Calixto Neto,
25 juin 2019, au théâtre Le Monfort à Paris 15e

Une cinquantaine d’acteurs, chanteurs, journalistes, hommes politiques, connus ou moins connus, français ou brésiliens, et même les auteurs des Lettres à Lula, sont venus les lire sur la scène du théâtre Monfort, en français ou en portugais (puis traduits), en direct ou en vidéo, pour ceux qui n’ont pas pu venir.
C’est une année d’histoire du Brésil (d’avril 2018 à avril 2019) qui est racontée à partir de ces témoignages choisis parmi les dizaines de milliers de lettres envoyées à l’ancien président Lula depuis son incarcération, des récits de vie poignants, certains très touchants.

« Cher Lula, je t’envoie une couverture et une méthode de yoga. J’espère que cela t’aidera.
Ps : Quelque chose me dit qu’ils vont inventer quelque chose pour empêcher que tu puisses te présenter à l’élection présidentielle. Rosa. »

« Lula ! Hier j’ai été au festival Lula Livre …
C’était génial !
Tout le monde s’est rassemblé pour toi et a chanté. Et je ne sais pas si tu sais mais Gilberto Gil et Chico Buarque ont chanté Cálice ensemble... ça faisait 40 ans qu’ils n’avaient pas chanté cela ensemble. Tu vois, tu nous rassembles.
PS : J’aimerais bien te demander en mariage mais je n’ose pas. »

« Ici, dehors, la résistance du peuple est spectaculaire. La créativité et la manière qu’ont les gens de mettre leur cœur et leur courage au service de la démocratie et de ta liberté sont contagieuses. Je suis au stand des lettres. Toute la journée je vois des gens écrire, apporter des lettres de chez eux, témoigner. C’est la population qui prend toute seule la responsabilité de défendre la démocratie. Il faut maintenant mobiliser pour défendre notre souveraineté parce que c’est une question qui semble souvent loin des gens : défendre notre pétrole, notre hydroélectricité, notre presse, par exemple. Mais on est en chemin. »

« Lula, je me lance … j’ai 42 ans, je suis célibataire. Et j’ai bien réfléchi. Veux-tu m’épouser ? Comme tu peux le voir sur la photo je suis jolie. J’habite dans la banlieue nord de São Paulo et j’ai deux voitures. Quand tu sortiras, je viendrai te chercher. Marcella »

« Je m’appelle Fernando et j’ai 30 ans. Président, je suis le premier de ma famille à faire des études dans une université publique fédérale. Aller en cours, à l’école est l’une des fiertés de ma vie et cette opportunité, je la dois à vous, à Haddad, au plus grand ministre de l’Éducation que nous ayons jamais eu et au Parti des travailleurs. Alors je serai content de voter pour lui. Je suis né dans l’État de Paraíba, dans la ville de Campina Grande, fils d’une femme de ménage et d’un gardien de parking. C’est seulement sous vos gouvernements que la qualité de vie de ma famille s’est un peu améliorée. Mon père et ma maman sont aujourd’hui décédés mais je voterai en leur nom. »

« En 1997, je suis entrée à l’Université. A cette époque l’entrée à l’université était un droit réservé pratiquement aux seuls enfants des classes aisées. Il n’était pas « naturel » qu’un élève issu de l’école publique y entre... Mais à partir de 2003, j’ai vu reculer peu à peu la misère dans mon État, diminuer le nombre de mendiants dans les rues, j’ai vu les pauvres entrer à l’université, des gens fêter l’arrivée de l’électricité chez eux, j’ai vu les pauvres élargir leur horizon en prenant l’avion pour la première fois et découvrir que le monde leur appartenait aussi. Et j’ai vu que ma vie n’avait pas empiré à cause de tout cela. Au contraire, elle s’est améliorée. C’est pourquoi je n’arrive pas à comprendre la rage que la plupart des personnes appartenant à ma classe ressentent envers ces conquêtes sociales. Je ne ressens pas cette rage. Finalement comme dit (le chanteur) Chico (Buarque), « laisse la haine à ceux qui l’ont ». A bientôt. Le peuple vous attend.
Bien cordialement. Ana de Teresina, dans le Piauï.
« P.S : les femmes sont en train de créer un mouvement assez fort contre cette chose innommable »

« La vie s’améliore quand les femmes et les hommes commencent à prendre confiance en eux. Quand un pays gagne des outils pour réfléchir.
Je t’embrasse fort. »

Ces lettres, véritables autobiographies, sont passionnantes et mériteraient d’être publiées. Elles disent la sortie de la misère et de la faim, la dignité retrouvée avec l’accession à l’éducation et à l’Université grâce à la « Bolsa familia », sous le gouvernement PT de Lula. Un acte politique des artistes pour défendre la démocratie et les minorités (ethniques, de classes, de couleurs ou LGBTQI+) en grand danger actuellement au Brésil, une seule soirée, gratuite, une salle archi pleine et survoltée. Un moment fort !