Catherine de La Guette : Mémoires de Madame de la Guette

lundi 11 décembre 2006, par Annick Merlin

Mercure de France, 1982, en collection de poche

Lorsqu’elle rédige ses Mémoires, Catherine de la Guette (1613-1676) a plus de 60 ans. « Peu de femmes s’avisent de mettre au jour ce qui leur est arrivé dans leur vie. Je serai de ce petit nombre » déclare-t-elle. D’emblée le ton est donné pour ce récit de vie en France sous le règne de Louis XIV. Une vie agitée et peu conformiste : jeune fille, elle se marie contre la volonté de son père puis gère le domaine familial le plus souvent seule, en l’absence de son époux, un officier qui participera à une trentaine de campagnes militaires aux quatre coins de l’Europe.

Le récit de cette femme du XVIIe siècle étonne par sa vivacité. Épisodes comiques et tragiques alternent sur fond de batailles, de querelles et d’aventures. Querelles homériques entre son père et son mari avec ces repas où elle voit « voler les plats contre la tapisserie, non par enchantement, mais à force de bras », mais aussi et surtout querelles politiques, en cette période de la Fronde qui déchire la France dans une guerre civile sans merci. Loin des ors de Versailles, la narratrice voit passer sur son domaine de Sucy en Brie les troupes des parlementaires, celles du roi et des Lorrains qui violent, tuent, pillent tout sur leur passage. Cette mère de dix enfants s’efforce, avec plus ou moins de succès, de protéger sa famille, ses paysans et ses biens. Elle nous entraîne dans un périple rocambolesque jusqu’à Bordeaux où elle se rend, sur ordre de la Reine, pour tenter de retirer son mari du parti des Princes dans lequel il s’est malencontreusement engagé. Madame de la Guette, excellente cavalière et escrimeuse hors pair, avoue préférer la guerre aux « exercices plus tranquilles comme de mettre les poules à couver ou de filer la quenouille, quoique l’on dise qu’une femme ne doive savoir que cela ». Elle tire sa bonne humeur et sa force de son amour pour son mari, de sa fidélité au Roi et de sa foi en Dieu. Dans son sillage nous croisons des célébrités comme Mme de Sévigné, l’étrange Chevalier de Saint Hubert « qui a la vertu d’empêcher la rage » ou encore « la bête du Gâtinais », monstre mythique qui fit 600 victimes parmi les femmes et les filles. Le lecteur sort revigoré de cette autobiographie passionnante et tonique réalisée par une femme d’exception qui nous fait découvrir le quotidien des Français du Grand Siècle.