Catherine Nicole : Belle enfant - Confidences d’une trouvée...

mercredi 6 juin 2018, par Geneviève Mazeau

Éditions du Poutan, 2017

« La réalité a frappé à ma porte annonçant la fin de la saison des fantasmes », écrit Catherine Nicole qui, après trente années de recherche, vient d’apprendre que sa mère a été retrouvée. Née sous X, elle relate dans ce récit les souvenirs de son enfance et de sa vie d’enfant adoptée, ignorant tout de ses origines. Malgré les liens d’attachement à ses parents adoptifs et la fonction structurante de la famille élargie, elle dit combien il est éprouvant d’être projetée dans une famille qui n’est pas la sienne, composée de gens qui ne lui ressemblent pas. Et sans savoir ce que l’autre famille est devenue, ni où elle est, ni ce qu’elle ressent. A sa majorité, elle décide de faire une première démarche à la DDASS, y reçoit un accueil chaleureux, mais est renvoyée à la Préfecture qui détient les dossiers des enfants nés sous X. Une première information lui est délivrée sans qu’elle décèle l’importance d’un indice.

Née en 1965, l’auteur restitue l’atmosphère des années 70-80, le shopping à Prisunic, temple de la mode, les chanteurs, Michel Fugain, Souchon, la mode des sabots, l’inspection des poux en classe, la couleur des wagons du métro parisien selon que l’on voyage en première ou seconde classe, l’achat de bonbons à l’unité... Elle évoque des plaisirs simples comme la visite au bois de Vincennes ou encore les pique-nique à Fontainebleau.

En 2001, soit 15 années plus tard, elle effectue une deuxième démarche à la DDASS. Elle a 35 ans. Elle apprend alors que depuis 1978, la loi autorise l’accès aux dossiers... Elle berce l’espoir que sa mère ait laissé une lettre pour elle. Commencent les recherches à partir des maigres informations d’un dossier administratif aux termes qui la choquent ; les enfants sont immatriculés comme des voitures ! Les premières recherches s’avèrent décevantes et déprimantes. Rien n’avance. L’attente est intolérable, angoissante. L’auteur partage son expérience avec des correspondantes sur les réseaux sociaux, elles-mêmes en recherche d’un membre perdu de leur famille. Jamais le mot membre n’a eu autant de résonance que dans ce texte, car il s’agit bien d’une amputation, d’un membre sectionné, qui peine à vivre séparé du corps constitué de sa famille souche, « en dehors du terreau d’origine contrôlée »....

L’auteur a recours à un détective privé, dont la notoriété est reconnue. En lui, elle met tous ses espoirs. Elle a maintenant 50 ans et l’enquête lui permettra de retrouver enfin sa « mère de l’ombre ». La peur s’ajoute à la morsure de l’attente et la hante, peur que l’enquête soit sans issue, peur d’être rejetée une seconde fois, peur d’avoir réussi après avoir redouté l’échec. Les sentiments sont mêlés de contradictions. Elle décrit aussi les nombreuses précautions prises pour les premiers contacts, avec l’aide d’une médiatrice, ainsi que pour la première rencontre qui se fait des mois plus tard après échanges de lettres ou de messages SMS ou courriels... On comprend qu’il faut du temps pour s’apprivoiser, pour tisser les premiers liens... Le récit nous fait entendre combien l’enjeu est vital, et dans quels tourments est plongée celle qui cherche ses origines. « Partir sur les traces de ses origines est le plus noble et le plus utopique des projets, il vous harcèle jusqu’à la fin de vos jours »... Retrouver ses racines ne répond pas à toutes les questions mais permet d’arrêter de s’en poser sans cesse. L’auteur fait remarquer que cette épreuve doit s’affronter avec la maturité, car l’empathie est indispensable dans cette démarche où il s’agit de refaire « co-naissance ».

Le récit est écrit dans un style alerte, souvent humoristique qui vient rompre avec l’aspect dramatique de la situation. Il est dûment complété par des notes relatives à la loi ou aux démarches en rapport avec la naissance sous X.