Charlotte Salomon : Vie ? ou théâtre ?

dimanche 5 mars 2006, par Bernard Massip

Exposition au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme jusqu’au 21 mai 2006 autour de l’œuvre autobiographique de Charlotte Salomon
Livre édité au Tripode, 2015

Charlotte Salomon était une jeune fille de la bourgeoisie juive cultivée de Berlin née en 1917. Profondément affectée à la fois par le tragique de l’époque mais aussi par une histoire familiale terriblement douloureuse, elle rejoint pendant la guerre ses grands parents réfugiés dans la région de Nice. C’est dans cet exil que Charlotte prend véritablement conscience du tragique des destins familiaux. Sa mère n’est pas morte d’une grippe comme elle le croyait mais s’est suicidée, un suicide qui s’intègre dans une impressionnante série, le suicide paraît le destin familial récurrent. Charlotte se plonge alors dans une activité artistique intense, elle peint/écrit en 1300 gouaches une impressionnante autobiographie et elle associe les suites de ses gouaches à des chants et des musiques pour constituer un « singspiel », une pièce de théâtre chantée. Elle compose ainsi une sorte d’œuvre multimédia avant l’heure, extrêmement moderne. Elle est arrêtée en 1943 et assassinée le jour même de son arrivée à Auschwitz.

L’exposition présente une partie des gouaches de Charlotte associées aux textes qu’elle avait rédigés. Ces planches sont d’une grande variété, tant dans les thèmes, dans les coloris, dans les cadrages et le rythme du dessin (certaines sont individuellement de véritables bandes dessinées). Les textes apparaissent en calque ou s’incrustent directement dans le dessin. On y voit la petite fille dans sa vie berlinoise, l’adolescente confrontée à ses difficultés psychologiques et familiales, la montée du nazisme, l’art, la peinture et la musique, qui semblent pouvoir être les éléments porteurs de la vie, la passion amoureuse, l’exil auprès des grands-parents.

Il apparait alors que c’est bien pour conjurer son destin tragique, pour tenter de survivre que Charlotte s’est lancé dans l’urgence et avec passion dans la réalisation d’une œuvre qui se veut affirmation de vie et qui se termine sur quelques images merveilleusement colorées et lumineuses : on la voit occupée à peindre devant la Méditerranée. C’est cette affirmation, malgré tout, de la beauté du monde et de la vie, par une jeune femme à la veille de sa mort tragique qui est la part la plus bouleversante de cette œuvre magnifique.