Dany Orler : Autoanalyse et ateliers d’écriture

lundi 30 novembre 2009, par Bernard Massip

Robert Jauze, 2009

Dany Orler est à la fois psychologue de formation jungienne et animateur d’ateliers d’écriture. Il cherche, dans cet ouvrage, à articuler ces deux versants de sa pratique et fait apparaître leur profonde unité sous-jacente.

Il montre, dans un premier temps, la possibilité de l’auto-analyse. Il s’oppose en cela à la vulgate freudienne pour laquelle sans la présence du tiers (l’analyste) aucun véritable travail sur soi n’est possible. Il rappelle opportunément que Freud a fondé ses théories à partir de sa propre auto-analyse et présente quelques auteurs qui en admettent la possibilité. Il revisite également de ce point de vue l’histoire des mythes et des sagesses, des gnoses et des philosophies, pour montrer à quel point cette recherche de la connaissance de soi s’enracine dans une profonde et permanente aspiration humaine.

Il met en garde contre l’idée qu’une simple auto-observation qui se révèle le plus souvent complaisante ou statique puisse conduire à l’auto-analyse. L’inconscient par définition ne se donne pas spontanément, il ne peut surgir que d’une quête indirecte de ce que l’on ne dit pas de soi.

Il va donc chercher à expliciter dans la suite de son ouvrage les matériaux et les outils dont dispose l’auto-analysant pour initier un dialogue dynamique entre conscient et inconscient. Le travail à partir des rêves y tient une large place, non en tentant de les interpréter mais plutôt en cherchant à « laisser advenir », « à suivre le fil » de ce qu’ils peuvent avoir à dire à la conscience à partir des libres associations, de leur amplification, de la mise en œuvre de l’imagination active dans l’élaboration de fictions ou de façon plus générale dans la création artistique. Ces méthodes peuvent être utilisées aussi à partir de ces autres matériaux que sont les actes manqués de la vie courante ou les projections qui s’effectuent dans la vie relationnelle et notamment dans le couple.

Dany Orler fonde sa réflexion et sa pratique sur les idées de Jung, ce qui apparaît clairement dans l’importance qu’il accorde aux mythes, aux grands substrats des imaginaires collectifs, à une conception de la psyché spécifique. Dans celle-ci, le « moi », au centre du champ « conscientiel », en s’enrichissant de sa part cachée, (« l’ombre ») peut tenter d’approcher, malgré les déformations induites par les masques sociaux (« personna ») ou les rôles sexuels (« animus-anima »), la personnalité totale (le « soi »). Celui-ci est en vérité inatteignable mais le mouvement continu dans sa direction peut-être puissamment dynamisé par l’effort de création, s’appuyant sur le dialogue conscient/inconscient.

On comprend dès lors la place que peuvent occuper les ateliers d’écriture dans ce processus de connaissance et de construction de soi. Dany Orler détaille dans sa dernière partie les techniques précises qu’il met en œuvre dans les diverses déclinaisons de ses ateliers, notamment dans ceux qu’il organise sur internet : recueil de récits de rêves ; écriture spontanée à partir d’un inducteur ; « jeux de je » écriture combinatoire à partir de l’expression de je multiple. Il insiste sur le fait que l’atelier en lui-même n’est pas une machine à s’auto-analyser mais qu’il permet à qui le souhaite d’y trouver des outils pour le faire. Il souligne qu’en tout état de cause « l’auto-analyse se tient dans le hors-champ de tout atelier comme dans le hors-champ de la vie, car l’inconscient demeure en permanence disposé à un dialogue et attend que le conscient veuille bien l’accepter ».

L’auteur développe les idées souvent complexes issues des théories de Jung d’une manière claire et pédagogique et ne serait-ce qu’à ce titre on tire grand profit à sa lecture. Mais au-delà, et, que l’on partage ou non les conceptions jungiennes de la psyché, il se révèle très intéressant par les questionnements qu’il offre à ceux qui, au travers de l’acte d’écrire, cherchent aussi à se connaître et à se construire.