Denis Podalydès : Scènes de la vie d’acteur

samedi 11 mars 2006, par Hélène Arnaud

Seuil, 2006, Poche

Le comédien de théâtre et de cinéma Denis Podalydès nous livre ici quelques-unes des notes qu’il consigne dans des carnets au fil de son expérience professionnelle.

Pourquoi ces courts textes fragmentaires n’ont-ils été publiés que maintenant ? Il faut avouer que l’acteur est superstitieux, ce n’est pas son rôle d’écrire. Et puis, est-il bien raisonnable de montrer la coulisse au spectateur qui vient pour s’émerveiller ? Car, dans son ouvrage, Denis Podalydès ne nous offre pas une confirmation des paillettes et des feux de la rampe que l’on imagine rythmer la vie d’un acteur. Ce dont il nous rend témoins à travers une écriture troublante de simplicité, ce ne sont pas les effets spéciaux, mais la machinerie...

Il nous fait voyager au travers du quotidien d’un homme de théâtre d’aujourd’hui. Exit, les romances des troupes italiennes ambulantes qui passent leur vie à aller de par les routes. Exit, Molière protégé de Monsieur, frère du Roy. Et pourtant, c’est bien en la maison de Molière que Denis Podalydès officie le plus souvent. Au fil de répétitions et de représentations, nous découvrons la Comédie-Française comme nous ne la connaissions pas : non pas un bâtiment solennel, où l’on ne se rend qu’en tenue du soir pour admirer le talent des Artistes, non. Sous la plume de l’acteur, elle devient une maison familière, protectrice, maternelle quelquefois. Une maison qui capte les heures au sein de ses loges et de ses couloirs. Une maison hantée parfois aussi par le souvenir d’un frère disparu.

Puis, en quelques pages, nous nous évadons, changeons de décor le temps d’un tournage. Là, nous rencontrons les Grands de ce monde : ceux dont les visages sont sur toutes les photographies et que l’on rencontre à toutes les avant-premières. Ceux à qui l’on pardonne les manies, les privilèges qu’ils s’accordent par moments. Nous nous heurtons à l’égocentrisme peu responsable de certains, et à la vanité des autres. Pourtant, sur la toile, dans la salle obscure, derrière le masque du rôle, Il semblait plus sympathique ; Lui, dont on collectionnait les interviews dans des cahiers d’écolière...

Enfin, malgré les rares changements notables, c’est le retour à la routine. Le fastidieux apprentissage d’une tirade qui emploie toute sa malignité à s’effacer de la mémoire. Les représentations qui nous ont semblé ratées, où l’on a joué plus mal que jamais, et à la fin desquelles les amis viennent quand même verser leur flot d’énergiques félicitations.

Au fil des tracas quotidiens de tout acteur, du trou de mémoire déstabilisateur à la cynique extinction de voix, c’est le portrait d’un homme exigeant avec lui-même qui nous est présenté. Un homme qui se juge bien souvent médiocre parce qu’il ne parvient pas à transmettre l’image du personnage tel qu’il a envie de l’incarner. Un homme finalement, qui se bat avec ses capacités de jeu et ses réflexes de scène pour ne pas être un acteur académique.