Denise Thémines : Jetés de mots autour de mon journal

samedi 20 juin 2020, par Philippe Lejeune

autoédité, 2020, à commander auprès de l’auteure, par mail à denise.themines@gmail.com, 12 €

Quelle idée charmante et curieuse a eue Denise Thémines ! Diariste de longue date, d’abord sur cahiers (plus d’une centaine) puis sur ordinateur (depuis avril 2012), elle a entrepris alors de copier et stocker sur un fichier spécial tous les passages où son journal parlait de lui-même. Et Dieu sait s’il y en a ! D’avril 2012 à janvier 2020 j’en ai compté 495, une moyenne de 60 par an ! On rêve au volume que cela aurait fait si elle avait écrémé ainsi sa centaine de cahiers manuscrits !

Mais, dira-t-on, cela doit être illisible ! Miracle, pas du tout ! On est d’abord un peu étonné, puis on tombe sous le charme, comme lorsqu’on lit les Je me souviens de Perec. C’est une douce litanie, une réflexion qui tourne en boucle. Au fil des années, le journal fait son autoportrait, il se compare (nombreuses métaphores), il évalue ses avantages (que ferait-on sans lui ?) et ses inconvénients (en a-t-il vraiment ?), son rapport au temps, à la mémoire, à la vie intérieure, à l’écriture littéraire, à la relation sociale. Il fait le tour de lui-même, s’apprécie sans fausse modestie, mais aussi sans prétention. On feuillette, on rêve.

Rares sont les diaristes qui font ainsi systématiquement le portrait de leur pratique au point qu’on puisse en tirer un livre. Je ne vois guère qu’Amiel (Du journal intime, anthologie dressée par Roland Jaccard en 1987) et surtout Axel Hardivilliers qui a tiré lui-même de son journal fleuve deux étonnantes anthologies d’entrées consacrées au journal (Journal d’une graphomanie en 2001 et Chronique d’un journal fleuve 1995-2010 en 2014). Les remarques de Denise Thémines, brèves, écrites avec la plus grande simplicité, ont le naturel d’une conversation familière. Leur enchaînement n’évite pas les répétitions, mais elles apparaissent comme autant de variations musicales, un recueil d’exercices à la Bach qui en font une sorte de Journal bien tempéré. D’année en année l’anthologie est scandée par une série de photos, la diariste captant son reflet dans des miroirs ou devant des tableaux, autoportrait allusif qui harmonise ce charmant petit volume au format de poche.