Diane de Selliers : Et ainsi, le désir me mène

lundi 12 avril 2021, par Elisabeth Gillet-Perrot

éditions Diane de Selliers, 2020

Si le titre Comme un roman n’avait pas déjà été pris par Daniel Pennac, Diane de Selliers aurait pu le donner à Et ainsi, le désir me mène. Le lecteur se promène, comme il ferait d’un roman, le long des vingt-sept chapitres, tous plus passionnants les uns que les autres, dans lesquels cette célèbre éditrice de livres d’art nous raconte ses voyages vers les pays où sa passion l’a menée afin de trouver les parfaites œuvres destinées à illustrer ses choix de textes.

Le livre s’ouvre sur « Pour l’amour des livres » et d’emblée, le lecteur est embarqué avec cette dame et son équipe exceptionnelle. Elle fait preuve d’un tel dynamisme que ses associés ne peuvent que la suivre d’autant plus volontiers qu’elle se dit toujours à l’écoute de leurs suggestions. Depuis 1992, la maison d’édition que Diane de Selliers a créée publie un livre d’art par an avec quelques exceptions quand elle choisit de publier aussi un des ouvrages en petit format (dans la petite collection) pour répondre à la demande d’un lectorat moins argenté. Et la presse a pu titrer en octobre, peu avant le Beaujolais : « Le Diane de Selliers nouveau est arrivé ».

Dans le recueil Vers l’Orient, elle ouvre le dialogue entre le papier et la plume :
« Tu es plat et simple, moi, je suis gaie, enjouée
Tu es dans l’errement, moi, ma ligne est tracée
Chaque foulée que j’imprime sur ta surface
Fait resplendir mes arabesques sur ta face ».

On a alors envie de relire Les fleurs du mal et de suivre Diane au musée Bonnat à Bayonne pour y choisir le tableau d’Eugène Boudin, Un bateau, qu’elle choisit pour illustrer le Voyage, car elle nous dit que la correspondance entre le poème et cette peinture était pour elle une évidence.

Et comment ne pas envier sa rencontre avec le couple impérial au Japon l’année de la sortie du Dit du Genji avec sa description détaillée du protocole pour l’offrande du magnifique volume qui sort l’année même du millénaire de la publication dudit trésor et sa surprise de le voir déposer sur une table avec les autres cadeaux.

Et puis, la délicatesse avec laquelle Diane arrive à convaincre le peintre Pat Andrea d’illustrer Alice au pays des merveilles et De l’autre côté du miroir en faisant en sorte que les mamans puissent lire l’ouvrage en toute sérénité, dans la joie et l’émerveillement, sans avoir à rougir. Et Diane, alors de se comparer à Alice en citant la sentence préférée de ses parents, érigée en ritournelle : « les enfants sont là pour être vus, pas entendus »... « Je me rendais transparente en présence des adultes ». Et elle convainc Marc Lambron d’en écrire la préface.

Diane n’a de cesse d’évoquer ses choix au point que son mari lui demande d’oublier ses recherches quand ils partent en bateau en Méditerranée. Et on la retrouve à Troyes cherchant les vitraux idéaux pour illuminer Les triomphes de Pétrarque ; les détails des difficultés pour le photographe à choisir les bonnes lumières et la restauration des vitraux sont un morceau d’anthologie.

Après un détour par la Bible et les rencontres avec Marc-Alain Ouaknin (chaque rencontre est pur bonheur), Diane nous confie les recommandations qu’elle aimerait faire à ses petits-enfants : « enfilez vos bottes, courez au verger, secouez le pommier, faites-en tomber les pommes, ramassez la plus belle et la plus pourrie, qu’importe ! Prenez-la au creux de vos mains, appréciez-en les contours, la rondeur, la texture, lisse, veloutée, rêche, les imperfections, appréciez ses nuances de vert, de rouge, de jaune, les taches marron. Sentez-la, tâtez-la, jouez avec elle, croquez dedans à pleines dents, recrachez les morceaux abîmés, puis, seulement alors, dessinez-la. Vous lui aurez insufflé une vie qui dépasse toute représentation, vous lui donnerez tout de vous et de votre énergie. Ce que vous faites doit éclater de vie, de saveur, de désir. »