Fabienne Verdier : Passagère du silence

jeudi 5 janvier 2006, par Madeleine Rebaudières

Albin Michel et Le Livre de Poche, 2005

« Son enfance, on la subit, sa jeunesse, on la décide. Je savais ce que je voulais : peindre, et d’abord apprendre à peindre en maîtrisant une technique picturale. C’est ainsi que j’allais me retrouver en Chine. »

En suivant le récit de Fabienne Verdier, on entre dans la Chine de l’après Mao, on mesure les dégâts de la Révolution culturelle et ce qu’est la vie sous le régime du Parti dans les années 80. On découvre les derniers grands maîtres calligraphes héritiers d’une tradition magnifique et tous disparus aujourd’hui. On suit avec l’un d’eux une initiation qui est ascèse avant d’être apprentissage d’une technique. On visite avec ce maître les montagnes sacrées de Chine et des minorités ethniques inconnues et menacées de disparition.

Si l’intérêt ethnographique de cet ouvrage est certain pour le décentrage qu’il induit en obligeant le lecteur à sortir d’une vision ethnocentrique de l’art, l’intérêt pour l’autobiographie est de donner à percevoir ce qu’est une vie authentique, par delà les côtés anecdotiques, une vie centrée sur une passion qui la consume et la réalise dans le même temps. Que ce soit à partir de la calligraphie ne fait qu’en redoubler l’intérêt pour des autobiographes graphomanes.

Au long d’un travail acharné, d’une « persévérance » et de l’aptitude à la « transformation incessante », qui est dans la nature de l’« être au monde », Fabienne Verdier poursuit sa quête : « saisir les phénomènes dans leur totalité mouvante et capter ainsi l’esprit de la vie, explorer le génie propre à chaque être », brin d’herbe, bourgeons, fleurs, bois mort... « Ma peinture exprime un désir de volupté, de béatitude, un refuge contre la tristesse, le plaisir procuré par les beaux paysages qui, depuis mon enfance, m’ont apporté les moments les plus intenses de joie et de paix. J’ai compris que l’extase, qu’elle se crie ou se taise, n’est pas un don du Ciel qu’on attend les bras croisés, mais qu’elle se conquiert et que l’intelligence y a aussi sa part. » « J’ai appris, à la lumière du taoïsme et du bouddhisme, qu’il est possible de diriger son esprit dans une direction choisie. » Au final : « Atteindre l’inaccessible étoile : un gain de sagesse qui est aussi, heureusement, un grain de folie. »
Une lecture fascinante d’un bout à l’autre.