Francine Wohnlich : Vivants

mercredi 13 octobre 2021, par André Durussel

Ed. art&fiction, Lausanne-Genève, 2020

"Parler est un besoin, écouter est un art". C’est bien à cette célèbre citation de Johann W. Goethe (1779-1832), tirée de son roman de formation intitulé : Les Années d’apprentissages de Wilhelm Meister que l’on pourrait en effet rattacher Vivants de Francine Wohnlich. Cela non seulement parce que le jeune homme de Goethe se découvre une vocation d’auteur dramatique, mais parce que l’auteure de Vivants a commencé à écrire pour le théâtre. Ainsi Baptiste et Angèle (2009) adapté et porté à la scène en 2011 au Théâtre Vidy-Lausanne.

Dès le mois de juillet 2016 et durant une année, elle va aller à la rencontre d’inconnues et d’inconnus pour les écouter : « Je ne questionne pas, je recueille ». Au nombre de vingt-quatre, ces témoignages personnels au ras des jours se lisent comme autant de réponses à une question existentielle fondamentale, mais difficile, que pose l’auteure : « Quand vous sentez-vous le plus vivant ? ", c’est-à-dire pleinement en accord avec ce que vous ressentez et ce que vous vivez ?

Vingt-quatre réponses différentes, vingt-quatre portraits de très jeunes, de moins jeunes, de femmes et d’hommes en train de se construire ou de se reconstruire eux-mêmes, de quelques personnes de quatre-vingt ans et plus dont la vie, dans les domaines artistiques ou socio-éducatifs n’ont jamais été une ligne droite. Ces témoignages interpellent fortement l’auteure de ces entretiens. Si sa qualité d’écoute est semblable à celle d’une psychothérapeute, elle n’est pas là pour analyser ou tendre des passerelles. Ce qu’elle transcrit, c’est aussi et surtout pour elle, se lisant dans le miroir des autres. Une forme d’auto-thérapie après une étape difficile. Mais ce qu’elle écrit, c’est aussi pour nous faire partager ces ébauches d’autobiographies.

Ces 176 pages sont suivies de 24 portraits pleine page (stylo-bille et aquarelle) dessinés par l’auteure, à la manière d’Egon Schiele (1890-1918). Or les yeux surtout, ces fenêtres de l’âme, ou ces bouches colorées, sont à mon avis assez terrifiantes.