François d’Espiney : Un arc vivant Correspondance et écrits intimes

vendredi 6 juillet 2018, par Jean Allemand

Éditions du Cerf, 2016

François d’Espiney (1916-1935). Un enfant surdoué, aussi à l’aise dans le dessin et la musique que dans l’écriture. Un adolescent épris de littérature et de philosophie, tourmenté par l’absolu. Nous le connaissions depuis 1938, grâce au François publié par le père jésuite Auguste Valensin qui le guida jusqu’à sa mort prématurée à 19 ans. Mais celui-ci, par discrétion, avait gommé, outre les noms des personnages, beaucoup de traits de son héros. Avec le temps écoulé, tout peut être dévoilé de ce qui concerne la personnalité extrêmement vivante et spontanée de François et nommés ceux qui l’entourent. C’est à quoi s’est employé Yann Richard : il a restitué le Journal de l’adolescent dans son intégralité ; surtout il l’a accompagné d’une abondante correspondance familiale et amicale qui fait ressortir les aspects humains si attachant de cet être juvénile. On remarquera d’ailleurs que les lettres de François à son guide sont en réalité un journal que celui-ci annote et lui renvoie.

C’est avec bonheur qu’on découvre le développement de ses dons si variés et l’expression sans fard et sans précaution de sa vive affectivité. Et c’est avec émerveillement qu’on le suit dans son éveil spirituel qui le fait passer si vite « de celui-qui-aime à celui-qui-brûle » et se consumer en Dieu. C’est le vrai visage, inoubliable, de François qui surgit de ces pages et nous saisit. Yann Richard, qui est orientaliste, souligne avec pertinence les résonances du langage amoureux de son héros avec les effusions mystiques de la littérature persane. Le titre évoque le dernier dessin de François mourant dont François Mauriac écrivait en 1938 : « Avant l’agonie, ce n’est pas une dernière parole, c’est un dernier dessin qu’il nous livre : ces quelques traits d’une main mourante, cet arc, cette flèche, cette croix, ce rien qui exprime tout, me persuade qu’il détenait le pouvoir de charger un simple trait de ce même mystère que Mozart exprime avec trois au quatre notes. »