Françoise Basch : Ilona, ma mère et moi. Une famille juive sous l’Occupation, 1940-1944

vendredi 10 février 2012, par Catherine Viollet

iXe, 2011

« Même court, ce livre a de vastes ambitions », écrit Françoise Basch en prologue à son récit. Professeur de civilisation britannique à l’université Paris VII et cofondatrice du GEF (Groupe d’Etudes Féministes), Françoise Basch a publié plusieurs ouvrages consacrés à son grand-père, Victor Basch, philosophe et co-fondateur de la Ligue des Droits de l’homme, assassiné avec sa femme Ilona par la milice française, près de Lyon, en 1944. Écrit en hommage à sa mère, Marianne, le livre se concentre sur la période de l’Occupation. Après avoir rappelé brièvement l’évolution du statut des Juifs sous la France de Vichy, Françoise Basch dépeint le milieu familial – bourgeoisie juive aisée, de gauche – dont elle est issue, et retrace la généalogie de sa famille : une grand-mère (Ilona) et un grand-père (Victor) nés à Budapest, l’autre grand-mère à Minsk, et le second grand-père négociant en vin à Nîmes.

Georges Basch, fils d’Ilona et de Victor, époux de Marianne et père de Françoise et de son jeune frère, se suicide en 1940. Les trois chapitres suivants sont respectivement consacrés à Marianne Basch, mère de l’auteur ; à Ilona Basch, épouse de Victor Basch, mère de Georges et grand-mère de Françoise ; et enfin à Françoise elle-même. S’appuyant sur des souvenirs, mais surtout sur les archives familiales – principalement la correspondance des protagonistes, partiellement reproduite en fac-similé –, le récit relate le rôle central qu’a joué Marianne, jeune femme durement éprouvée par la mort de son mari ; médecin-gynécologue, elle assurera durant l’exode et tout au long de la guerre la subsistance de la famille (ses deux enfants et ses beaux-parents), au prix d’innombrables efforts, d’énergie et d’ingéniosité, grâce à un cabinet qu’elle ouvre à Bollène comme médecin généraliste.

Malgré la précarité de sa situation, elle participe aussi à un réseau afin de cacher des enfants juifs. Elle échappera de peu à la Gestapo, quelques jours avant que ses beaux-parents, Ilona et Victor Basch, âgés de 80 ans, soient arrêtés et assassinés par un commando franco-allemand. Marianne n’a alors d’autre issue que de fuir en Suisse avec ses enfants.

La vie d’Ilona, grand-mère de l’auteur, est montrée pour l’essentiel à travers le prisme de la correspondance familiale. Il y est surtout question de la vie quotidienne et de la lutte épuisante, au jour le jour, contre les restrictions en tous genres, mais aussi des actualités en langage codé. Un hommage à une personnalité dont la famille a « sous-estimé » l’énergie et le courage, et qui décida de mourir aux côtés de son mari.

Le dernier chapitre offre le regard rétrospectif de l’auteur-narratrice, et les souvenirs personnels de la jeune Françoise. Encore enfant, elle est d’abord confiée à ses grands-parents et décrit cette période, vécue sous le signe du danger permanent, comme « marquée par un sentiment d’abandon et de rancœur », où tensions et conflits seront aussi le ferment de son indépendance et de sa maturité précoces. Les dernières pages du livre sont consacrées à l’évolution de la relation problématique de l’auteur à la judéité.