Geneviève Hennet de Goutel : Écrits de guerre et d’amour

lundi 16 octobre 2017, par Véronique Leroux-Hugon

L’Harmattan, 2017, édition établie et présentée par Roxana Eminescu.

En 1916, on a proposé à Geneviève Hennet de Goutel de se charger d’un hôpital de la Croix-Rouge en Roumanie. « Cela tente la Gen aventureuse, la Gen organisatrice, la Gen infirmière aussi, cela tente aussi la petite Française d’aller porter très haut là-bas le drapeau de la France et de le faire aimer encore davantage », écrit-elle.

Cette remarque caractérise bien le ton des écrits de Geneviève Hennet de Goutel (née en 1885), formée à la Croix-Rouge et bien décidée à participer à la guerre, car elle avait essayé par deux fois de s’engager au front. Elle va accepter avec enthousiasme la proposition de partir avec la Mission sanitaire française, le 4 octobre 1916.

Son journal de guerre, tenu jusqu’en janvier 1917 et publié (avec des omissions) dans le Bulletin de la Croix-Rouge, a été retranscrit et complété par Roxana Eminescu qui a joint à l’édition des lettres inédites adressées à sa famille ou à des amis de 1913 à 1916 et des notes sur « Gen » par sa sœur. Enfin, l’éditrice a ajouté quelques compléments d’information sur la Roumanie dans la Grande Guerre, pour conclure, à propos des femmes sur le front d’Orient : « Elles étaient nombreuses mais, comme on pouvait s’y attendre, elles sont souvent passées inaperçues ».

Journaux et lettres sont extrêmement vivants et dessinent un portrait de cet Ange Blanc, modèle s’il en est de l’Infirmière française type Croix-Rouge, modèle dont Geneviève est très fière et qu’elle s’efforce d’imposer à des dames françaises et roumaines par trop indisciplinées. Cette mission en Roumanie, où elle trouvera une fin tragique, est d’abord une aventure passionnante dont l’héroïne assume toutes les difficultés, retraçant le très long voyage qui mènera par trains et bateaux un convoi sanitaire, bourré de 20 000 kilo de bagages, de Paris à Bucarest en passant par Londres, Oslo, Saint-Pétersbourg et Kiev. Ce périple étonnant dont elle décrit avec enthousiasme la diversité et la beauté des paysages et villes traversés aurait dû se terminer à Bucarest, dans l’hôpital modèle dont elle commence à former le personnel.

Mais, en décembre 1916, l’arrivée des « Boches » précipite le départ vers Iasi puis l’installation dans un hôpital de campagne, le Greierul, dans une villa abandonnée, au confort minimum, où l’infirmière-major Hennet de Goutel doit faire la cuisine avec les maigres moyens du bord, « des choux, toujours des choux… ». L’équipe mène, écrit-elle, une vie de trappeurs canadiens, il faut tout installer, conduites d’eau, matériel médical, repeindre.

Avec dynamisme, elle prend à bras-le-corps les difficultés de la situation, puisqu’elle doit commencer par faire tous les métiers et surtout soigner les contagieux rassemblés dans cet hôpital. Ainsi, une lettre à une amie chère narre une vie de Robinsons suisses, la tâche écrasante, la solitude – « Aurais-je assez de force physique et morale pour ne pas tomber en route ? » – et la tristesse du premier mort le Jour de l’An 1917. Elle meurt elle-même du typhus le 4 mars 1917.

Très patriote et animée d’une foi profonde, elle est en même temps républicaine, anticléricale et hostile aux dames patronnesses. Toutes ses lettres n’ont pas été retrouvées, peut-être brûlées par peur que ses nombreuses amitiés amoureuses et féminines ne nuisent à son image.

Journal et correspondances dessinent ici le portrait d’une jeune femme à la forte personnalité, à la fois guidée par un idéal et le goût de l’action efficace, traits de caractère que confirme les notes de l’éditrice, signalant que Geneviève Hennet de Goutel a laissé également des œuvres littéraires et musicales, ainsi que des aquarelles.

Les journaux d’infirmières pendant la Grande Guerre ne sont pas si fréquents. Celui-ci est aussi émouvant que représentatif.