Gérard Garouste : L’intranquille

jeudi 20 mai 2010, par Anne Poiré

L’iconoclaste, 2009. Le livre de poche, 2011

Le titre m’avait séduite avant même que je n’ouvre ce livre d’un peintre dont je n’apprécie pas tellement la peinture : L’intranquille. La poésie et la créativité ont tenu leurs promesses. Quant au sous-titre, il est explicite : Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou, et c’est bien de tout cela qu’il s’agit, pour notre bonheur de lecteur.

Dans ce livre qui se dévore très vite, Gérard Garouste évoque de façon particulièrement juste - aidé par Judith Perrignon - ses relations avec son père (et ses carnets intimes : « Il y a parfois des choses gommées. Forcément, je les imagine compromettantes. »), sa famille (et quelques secrets), son lien avec la peinture, sa carrière, et ses troubles bipolaires (sans oublier les difficultés psychiques que connaissaient déjà certains de ses aïeux). Il raconte de l’intérieur quelques unes de ses propres crises, ses hospitalisations, ses relations à son entourage et tout ce qu’il doit à sa patiente épouse et à ses garçons.

C’est un texte assez exceptionnel car cette autobiographie, bien écrite, percutante, s’avère particulièrement courageuse. Dans l’affirmation - honteuse - des positions plutôt antisémites de son père, par exemple : qui oserait témoigner de pareille ignominie ? Pourtant il y en a eu d’autres, c’est sûr. Dans l’aveu d’une carrière bâtie sur des rencontres de hasard (avec Léo Castelli lui-même !) Enfin, surtout, dans le fait d’oser, en tant que malade, évoquer les difficultés qui sont les siennes avec une lucidité impressionnante.

Gérard Garouste n’en parle pas au passé, comme de troubles qui seraient derrière lui, mais comme menace, qui pèse sur chaque instant de sa vie, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, y compris lorsqu’il se lance dans de généreux projets sociaux, comme la création de "La source", une association pour aider des enfants malheureux, ce que lui-même a été, même si l’argent coulait à flot dans la famille qui était la sienne.

Il s’agit à vrai dire d’un écrivain talentueux et en tous les cas autobiographe avisé dont la puissance de certaines formules fait frémir. À propos de la mort du père : « il était mort et j’étais soulagé. » « Ce livre d’or et de fil blanc » (en lien avec certain secret de famille...) Des hommages vibrants sont aussi rendus, à ces êtres hors les normes qui ont su lui donner le goût de vivre et de créer, ces humbles qui ont su lui apporter la tendresse qui lui faisait si cruellement défaut, Casso et Eléo, ou l’énigmatique Gabrielle. Des personnages hauts en couleur l’entourent.

Mais c’est lui, Gérard Garouste, dans son « intranquillité » même, avec ses doutes, ses souffrances et ses difficultés, qui a su véritablement me séduire : de ce texte se dégage une puissance de sincérité exceptionnelle.