Gloria Steinem : Ma vie sur la route

Mémoires d’une icône féministe

dimanche 5 juillet 2020, par Laurence Martin

Ma vie sur la route a pour sous-titre Mémoires d’une icône féministe. Et c’est bien de cela dont il s’agit : des Mémoires - un ensemble de souvenirs écrits, chaque été, sur deux décennies, avant de reprendre la route - de l’icône féministe américaine Gloria Steinem, née en 1934, et que j’ai personnellement découverte récemment, comme d’autres sans doute, grâce à la série Mrs America de Dahvi Waller.

Gloria Steinem a 60 ans quand elle commence ses Mémoires et 81 ans quand elle les publie. Elle écrit pour témoigner de ce qu’a été sa "vie sur la route" : la vie d’une militante féministe infatigable, d’une "community organizer" intervenant sans relâche dans les campus et d’une journaliste qui a fondé en 1971 le premier magazine féministe Ms.

Il y a en effet assez peu d’éléments intimes dans ses Mémoires car la vie que Gloria Steinem choisit de raconter est d’abord celle d’une militante engagée dans ses combats pour les femmes et plus largement contre les injustices faites à toutes les minorités, qu’elles soient ethniques, notamment pour les Afro-américains et les Amérindiens, de genre, ou sociale car, ainsi qu’elle l’écrit, "le féminisme [...] est un humanisme structurant". On ne saura rien par exemple de sa vie amoureuse, si ce n’est, dans une phrase en incise, qu’un chagrin d’amour à 20 ans a été déterminant pour le reste de son existence puisqu’il a été à l’origine de deux événements fondateurs : son avortement à Londres en 1957 - qui était alors illégal et le livre s’ouvre sur un très bel hommage au médecin qui lui a permis de faire ce choix qui était celui de la liberté - et son voyage en Inde durant deux ans, où elle a appris notamment la technique des "cercles de parole" qu’elle ne cessera ensuite de développer aux Etats-Unis. Mais on saura tout de même que cette "vie sur la route" est l’héritage de son père - "je suis la fille de mon père " écrit-elle de manière récurrente - et le choix d’un autre destin que celui de sa mère dépressive.
En retraçant sa vie sur la route, Gloria Steinem retrace une vie faite de combats, de rencontres, d’amitiés, et elle partage également une philosophie de vie : la route comme espace de l’inattendu, un choix féministe par excellence puisque la route a toujours été envisagée comme l’espace de l’homme, un choix de la vie nomade qui a d’abord tous été la nôtre avant de nous sédentariser, un choix qu’elle nous encourage à faire à notre tour, au moins en partie, pour nous ouvrir au monde.

On apprend beaucoup de choses dans ce livre, sur le féminisme, sur les Etats-Unis, sur le monde des années 60 à aujourd’hui. Et comme toujours quand on lit les Mémoires d’une personne remarquable, on en sort nourri.e, ému.e et, d’une certaine manière, plus "vaste". Merci Gloria Steinem et bonne route !