Hélène Millerand : Bistros

dimanche 22 mai 2016, par Catherine Vautier-Péanne

éditions Arléa, 2016

Bistros est le sixième livre d’Hélène Millerand, fille de magistrat et petite-fille du président de la République Alexandre Millerand (1920-1924). Elle est née en 1945 à Versailles où elle a fait ses études. Née « hors les murs » cela ne l’a pas empêchée d’être une fervente pratiquante des banquettes des bistros parisiens, mais attention, rien à voir avec une addiction fâcheuse. Il s’agit là bel et bien d’une autobiographie élégante, d’un récit de vie condensé en une sorte de carte du Tendre des différents cafés qui ont jalonné son parcours. Attablée dans un endroit stratégique elle peut observer, entendre clients de passage, habitués et surtout nouer des liens importants pour elle avec les garçons de café et patrons de troquets chers à son cœur. Le cheminement de sa vie se dessine en creux, enfance, blessures, découverte de la liberté et de la conscience politique, amours et désamours, enfin apprentissage de l’écriture et du monde du théâtre. Elle fut pendant les vingt-trois dernières années de sa carrière en charge de l’aide aux compagnies théâtrales à la Mairie de Paris. Elle ne peut écrire que là, au milieu du bruit des conversations qui l’aide à se concentrer (!).

Du tabac des Jardies à Sèvres où elle accompagnait son père, au célèbre Champo de la rue des Écoles, en passant par le Café de la Mairie à Saint Sulpice elle a également fréquenté nombre d’établissements de la rive droite, du Musset bon chic-bon genre près de la place Colette au très populaire Réveil du boulevard Henri IV. On y croise des célébrités (Sami Frey, Claude Miller), des alcooliques, des spéciaux, des pathétiques et des gracieux sans oublier les « petites vieilles » les Ginette, Jacqueline et Paulette pour qui elle a une tendresse particulière, à côté des Jacques, Cédric et Jean-Paul sans qui elle aurait sombré dans la morosité.

Elle ne fait qu’effleurer la période ou maris et enfants l’ont tenue éloignée des bistros, mais comme elle l’écrit : « des enfants on en a, on les prend comme ils viennent, on s’en occupe, ils illuminent votre existence ou l’empoisonnent, c’est selon, on les aime plus que tout, et basta. C’était l’opinion de ma mère, c’est la mienne. Pour autant, il n’y a pas que la maternité dans l’existence ». Ce ton libre et pudique, à l’humour distancié donne envie de lire ses autres ouvrages parmi lesquels Vieille France (2004) fut adapté à la télévision (sous le titre de Mademoiselle Frot) ou Renonce avec grâce à ta jeunesse (2002).