Irène Némirovsky : Le vin de solitude

lundi 14 novembre 2011, par Catherine Vautier-Péanne

Le Livre de Poche, 2009

Irène Némirovsky (1903-1942) fut redécouverte en 2004, après un demi-siècle d’oubli, avec la publication de Suite Française, un roman dont l’écriture a été interrompue par l’horreur nazie à Auschwitz. Ce livre obtint le Prix Renaudot, remis pour la première fois à un auteur disparu. Ce n’est que justice quand on sait qu’Irène Némirovsky n’a jamais été distinguée de son vivant. Née à Kiev, en Ukraine, elle et sa famille se réfugient en France en 1919 après un passage par la Finlande au moment de la révolution de 1917. Son père était un des plus riches banquiers de Russie. Auteure à succès à partir de 1929, elle écrivit pas moins de seize romans, cinquante nouvelles, des scénarios de films et de nombreuses critiques littéraires. Extrêmement douée, à l’âge de quatre ans elle parle déjà quatre langues dont le français qu’elle maîtrisera avant le russe.

Le Vin de Solitude (publié pour la première fois chez Grasset en 1935), largement autobiographique, retrace l’histoire d’une petite fille née d’une mère de famille noble mariée à un « juif obscur » que celle-ci méprise copieusement, le faisant cocu sous son nez sans aucun souci de choquer la fillette qui hait sa mère, bourgeoise froide et égoïste. Son père n’a d’yeux que pour sa femme et la petite souffre encore plus de ce double abandon parental. La seule personne qui s’occupe d’elle avec tendresse est sa gouvernante française, Mademoiselle Rose, qui sera un jour renvoyée sans ménagement par la mère, laissant l’adolescente dans une totale solitude affective.

L’œuvre est féroce, écorchant le père absent et aveugle, l’amant superficiel, dépravé, et la mère volage, vaine et méchante. Ce ballet sordide, jusqu’à la revanche de la jeunesse sur la mère vieillissante, défaite, vaincue, laisse un arrière-goût d’amertume car « on ne pardonne pas son enfance » lorsqu’elle est ainsi irrémédiablement gâchée. Un roman poignant, à ranger entre Vipère au Poing et Poil de Carotte sur le même thème de la détestation de la mère.

Les deux filles d’Irène Némirovsky ont entretenu la mémoire de leur mère avec plusieurs rééditions et la publication d’une biographie en 1992, Le Mirador.