Isabelle de Bourbon-Parme : "Je meurs d’amour pour toi..."

mardi 13 janvier 2009, par Édith Bernheim

Lettres à l’archiduchesse Marie-Christine (1760-1763)
Édition étable par Élisabeth Badinter
Tallandier, 2008

Princesse espagnole, descendante de Louis XIV par son grand père Philippe V d’Espagne mais aussi par son grand-père maternel Louis XV, cette jeune femme qui meurt à 22 ans a eu le temps d’écrire des textes intéressants, d’avant-garde et féministes avant l’heure. Elle appartient au « club fermé des princesses philosophes », est aussi très bonne musicienne (comme de nombreux descendants de Louis XV). Elle parle, lit et écrit quatre langues : l’espagnol ; le français après un long séjour à Versailles ; l’italien appris à Parme dont son père est gouverneur ; enfin l’allemand quand elle épouse Josef, le futur empereur d’Autriche.

Celui-ci est peu enclin au mariage, cède à la raison d’état mais est rapidement subjugué par cette charmante jeune femme qu’il appelle tendrement « Tyatya ». Elle, elle parle de lui en le nommant l’ « archiduc ». Nous savons peu de choses de leurs rapports sauf qu’en moins de quatre ans de vie maritale elle mettra au monde deux filles et fera deux fausse-couches. Josef sera un veuf inconsolable et des années plus tard il sera le confident et conseiller conjugal éclairé de son beau frère Louis XVI.

A l’arrivée à Vienne d’Isabelle, la cour impériale est émerveillée. L’impératrice Marie-Thérèse (qui a eu 16 enfants) dit l’aimer plus que ses propres filles. Seule l’archiduchesse Marie-Anne est jalouse, par contre l’archiduchesse Marie-Christine devient très rapidement une amie intime. La vie à la cour est très réglée, les membres de la famille impériale ont de nombreuses obligations notamment religieuses, les rencontres officielles entre les deux belles-sœurs sont quasi quotidiennes. Pourtant elles s’écrivent fréquemment, passionnément, souvent sous forme de petits billets ( genre e.mail).

Une seule lettre de Marie-Christine où elle fait le « portrait » physique et psychologique d’Isabelle subsiste. Mais 194 lettres d’Isabelle nous sont parvenues. Ce sont des cris d’amour : « Je vous aime à en mourir », quelquefois d’une impudeur, surprenante à notre époque : « Je baise ton petit cul d’archange » ; dans ses rêves, Isabelle évoque leur couple d’après des héros de Comédie : Laurette et Zerbin (le peintre amoureux de son modèle), Orphée et Eurydice. Jamais elle n’oublie un petit mot aimable pour « la Vasquez » (première dame de compagnie de l’archiduchesse). Elle avoue penser à Marie-Christine avant de penser à Dieu, pourtant,elle est obsédée par l’idée de la mort, sûre qu’elle mourra quatre ans après sa mère (ce qui sera le cas). Dans une de ses dernières lettres elle dit : « A quoi servirait de nous être aimées en ce monde si nous devions être séparées toute une éternité ? »

Grâce à Élisabeth Badinter, cet amour insolite, ambigu, revit quelques instants pour nous, lecteurs étonnés du XXIe siècle.