Joseph Morder : J’aimerais bien partager le printemps avec quelqu’un

lundi 5 mai 2008, par Bernard Massip

Film et DVD

Depuis 1967, date à laquelle adolescent il a reçu une première caméra super huit, Joseph Morder tient un journal filmé. Il a ainsi impressionné de considérables quantités de pellicules dont une petite partie seulement a été livrée au public. Il utilise les moyens les plus légers qui soient afin de pouvoir coller au mieux à son présent, sans entrave technique. Il ne se veut pas cinéaste mais « filmeur » au long cours.

Il expérimente ici pour la première fois l’utilisation du téléphone portable. Il en résulte une sorte de carnet intime de sa vie entre février et mai 2007, aux images tremblées, aux brusques changements de couleurs et de lumière, sur lequel vient s’inscrire son commentaire en voix off. Le procédé au début parait un peu laborieux mais c’est de ses imperfections même que surgit peu à peu l’émotion. Le tremblé des images épouse les hésitations, les questionnements, les angoisses de l’homme et sa fragilité assumée. Le désir amoureux s’invite sous les traits d’un beau jeune homme, qui ne fut d’abord qu’un passant filmé sur le Pont Neuf. Le passé n’est pas absent non plus à travers l’évocation des parents du narrateur/filmeur et le souvenir de la Shoah lequel explique sans doute pour partie son obsession de conserver. Le présent très concret de Paris au printemps 2007 est là aussi avec les rumeurs de la campagne électorale présidentielle et l’élection de Nicolas Sarkozy qui laisse notre homme incrédule et atterré.

C’est le montage qui fait le film. Car c’est un journal certes, rien n’y est rejoué ou scénarisé. Mais le choix des moments retenus, la façon de les articuler et de les commenter sont l’effet d’un travail et non ceux de la seule accumulation bout à bout de la matière récoltée. C’est ce qui au final confère sa force et sa dramaturgie à ces éclats de vie sans rien leur enlever de la spontanéité du premier jet.