Joyce Maynard : Et devant moi, le monde

lundi 16 janvier 2017, par Martine Lévy

Traduit de l’anglais par Pascale Haas
Éditions Philippe Rey, 2011

Née en 1953 dans le New Hampshire, Joyce Maynard raconte dans ce livre son enfance, puis la rencontre avec l’écrivain J.D. Salinger qu’elle nomme « Jerry », et ce qui en suivra. Son parcours d’écrivain commence en avril 1972. Elle est alors étudiante à Yale lorsque le prestigieux New York Time Magazine publie son article intitulé "Une fille de dix-huit ans se retourne sur sa vie". À la suite de cet article elle reçoit des sacs de courrier. Parmi ce courrier, une lettre admirative de J.D. Salinger, l’auteur de L’attrape cœurs, lettre qui sera le prélude à un échange épistolaire passionné. L’équivoque épistolaire est ici magnifiquement mise en mots. La relation qui se noue entre Joyce et Jerry - l’emprise exercée par le grand homme, jusqu’à la rupture qui la laissera dans un total désarroi - est digne d’un grand thriller psychologique et Joyce Maynard nous la restitue pas à pas, vingt-cinq ans plus tard, avec courage et talent.

Pour toutes celles et ceux qui s’intéressent à l’autobiographie, ce livre est passionnant. Peut-on tout écrire ? Joyce Maynard s’attarde sur cette question, évoquant notamment l’impossibilité juridique de retranscrire les lettres de Salinger : « restituer une impression transmise par un langage sans le reproduire demeurera l’une des tâches les plus ardues à laquelle j’ai dû me confronter en tant qu’écrivain ». Elle écrit avec franchise comment elle en est arrivée à vivre avec un homme de 53 ans, le grand écrivain J.D. Salinger, qui avait décidé de protéger sa vie privée et de vivre absolument reclus dans sa maison du New Hampshire.

Ce livre a suscité des réactions très violentes, la postface en témoigne. Mais Joyce Maynard est sûre d’elle. Le silence engendre la honte, la franchise lave la honte. Ses enfants ont droit à la vérité. Et elle doit retrouver sa voix. « L’outil le plus puissant que possèdent la plupart d’entre nous (les femmes), c’est sa voix. Si on nous l’enlève, que nous reste-t-il ? » Elle est écrivain et elle écrit. Écrire est une question de vie, de survie, après des années de honte silencieuse, de secret lié à son enfance et de l’emprise exercée par un célèbre écrivain dont elle tombera folle amoureuse alors qu’elle n’a pas 20 ans.

Ce livre m’a beaucoup intéressée et a nourri ma réflexion sur l’écriture autobiographique.