Kent Nerburn : ni loup ni chien

vendredi 23 février 2024, par Pierre Kobel

Les éditions du sonneur, 2023
Traduction de l’anglais (États-Unis) par Charles Pommel

Né en 1946, Kent Nerburn est un écrivain américain spécialiste de la culture amérindienne. C’est la raison pour laquelle il est contacté par Dan, vieil Indien Lakota qui veut, avant une fin qu’il sent proche, lui raconter l’histoire de son peuple et comment les Blancs ont conduit à la destruction des peuples natifs. Livre de dialogue et de transmission, il tient autant de l’autobiographie que de la tradition américaine du road-movie. Un voyage qui entraîne l’auteur avec Dan, son ami Grover, le chauffeur de leur excursion et la vieille chienne Fatback, sur les lieux mémoriels tels le mont Rushmore ou le site de Wounded Knee.

C’est le moyen engagé pour tenter de trouver une voix commune dont, avec humour parfois, avec colère aussi, les mots délivrés de l’un à l’autre seront la façon de dire comment les États-Unis se sont construits, quelle destruction et quelle négation a permis cette construction. Par ses « petits dialogues », Dan va au cœur de l’histoire et de la spiritualité amérindiennes dont Kent Nerburn tente de percevoir les arcanes spirituels et historiques avec respect de cette parole qui n’est pas la sienne, d’aller au-delà des préjugés. L’auteur suisse Kim Pasche écrit : « C’est, par essence, ce dont il est question dans ce fabuleux récit, ni loup ni chien, que nous offre Kent Nerburn : la possibilité qu’ont les êtres de s’abandonner aux mouvements de la vie et de s’en émouvoir plutôt que de vouloir les contrôler. » Dan dit à Nerburn : « Ainsi je te fais don de ma vision, à toi qui n’en connais qu’une […]. Écoute les pierres, écoute le vent. Fais ce que tu dois pour trouver les voix qui vont te parler et partager leurs mots. »

Ce livre laisse le lecteur dérouté. Il bouleverse nos repères jusque dans le quotidien matériel, nos connaissances et par là même nous pousse à accepter ce déséquilibre bouleversant de notre appréhension temporelle et spatiale de l’univers. Il nous pousse à une nouvelle sagesse ainsi que l’écrit à sa façon Robert Plant le chanteur du groupe de rock Led Zeppelin :
« Voici révélé, avec beauté et sensibilité,
Un monde de miracles et de liens, qui nous pousse à l’enchantement
Un monde qui tend la main
Chancelant mais toujours vivant,
Malgré le carnage qui suivit les chariots couverts et la cruauté culturelle. »