Koudelka, photographe nomade

jeudi 23 mars 2017, par Élizabeth Legros Chapuis

C’est pendant les années 1970-1980 que le photographe tchèque Josef Koudelka a produit les images de la série Exils, qui font l’objet d’une exposition au Centre Pompidou du 22 février au 22 mai 2017. Koudelka a d’ailleurs fait donation en 2016 au Centre Pompidou de ces photos, qui n’avaient pas été montrées à Paris depuis trente ans.

Après avoir photographié l’invasion de Prague par les chars soviétiques, Koudelka avait quitté la Tchécoslovaquie, passant les hivers à Londres ou à Paris, errant le reste de l’année à travers l’Europe : ce sont ces vagabondages qui ont nourri les images d’Exils. L’exposition portant le titre de « La fabrique d’Exils » s’attache à retracer la genèse de cette série, en montrant notamment les planches préparatoires du photographe dénommées « katalog ». Koudelka privilégie des associations de formes et d’éléments picturaux (animaux, cimetières, carnavals…) qui font souvent apparaître une composante d’étrangeté, la saisie d’un moment insolite. Les personnages qui y figurent semblent souvent furtifs, évanescents, absents d’eux-mêmes.

Ce parcours se complète d’une série d’autoportraits réalisée par Josef Koudelka au cours de ses voyages et jamais exposée jusqu’à présent. Voyageant comme un nomade, proche des « gens du voyage » qu’il a beaucoup photographiés également, il s’y montre endormi, enroulé dans son sac de couchage, dans des lieux hétéroclites, dormant à la dure, à même le sol. L’exil n’est pas pour lui un objet d’observation mais une expérience concrète.

Dans un entretien avec Christian Caujolle, paru dans le Monde du 23 mai 2015, le photographe déclarait : « Être en exil, c’est tout simplement le fait d’avoir quitté son pays et de ne pas pouvoir rentrer. Chaque exil est une expérience individuelle, différente. Moi je voulais voir le monde et photographier. Cela fait quarante-cinq ans que je voyage. Je ne suis jamais resté nulle part plus de trois mois. Quand je ne trouvais plus rien à photographier, il fallait que je parte. Quand j’ai pris la décision de ne pas rentrer, je savais que je voulais développer une expérience du monde que je ne pouvais pas envisager quand j’étais en Tchécoslovaquie. »

Exils est également le titre d’un livre paru chez Delpire en 1984 et réédité en 2015 dans une version révisée et augmentée.