Leïla Sebbar : Voyage en Algéries autour de ma chambre

jeudi 26 mars 2009, par Françoise Lott

Bleu autour, 2008

Il faut regarder ce livre avant de le lire. Les visages, les silhouettes, le paysage, les figurines représentés dans un carré encadré par le beau rouge profond de la couverture annoncent la variété des sujets abordés. D’ailleurs, il s’agit d’un Abécédaire, offert « À tous les gens de l’exil ». On tourne les pages et on découvre des photos (un marabout, des visages d’écolières, des photos de famille… ), des reproductions de dessins, d’aquarelles, souvent de Sébastien Pignon, des reproductions de lettres manuscrites, de couvertures de livres d’école… A la fin du livre, longs index des noms de personnes puis des noms de lieux.

Nous voici embarqués dans un voyage à travers les mots : c’est un voyage avec des femmes et des hommes à qui L.Sebbar a demandé leur témoignage, directement ou à travers des lectures, des enquêtes ; un voyage dans l’espace, celui de l’Algérie, découvert par le regard, le souvenir de ceux et celles qui réagissent aux mots proposés. B comme banlieue, bâtard, bordel, jusqu’à V comme « voyage », justement. Un voyage dans le temps : nostalgie des villes, des villages, des rues, des maisons quittées ; de la lumière, de la mer, du désert, de la figue fourrée de pâte d’amande du goûter de l’enfance.

« Je suis issue d’un monde qui n’existe plus, d’un pays rayé de la carte […] Je cherche, je découpe, je recolle les richesses, les langues perdues, la honte, les regrets, l’exil, le bonheur peut-être » dit Virginie Serraï, pour le mot « pièce ». Il y a aussi C comme « conquête » : comment parlait-on de la colonisation, que l’on soit soldat, comme un officier lettré qui, au 19e siècle, décrit dans ses lettres cette « guerre de destruction et de sang », ou écrivain, comme Fromentin ou Isabelle Eberhardt, ou instituteur en « voyage d’étude » au début du siècle dernier ?

L’histoire, la politique, imprègnent ce livre, mais la réalité est vue à travers le prisme de multiples individus, avec leurs émotions, leur enthousiasme, leur engagement, leur amour. Voyage en Algéries autour de ma chambre est une sorte d’Odyssée polyphonique à travers l’espace, le temps, les cœurs et les mémoires, mais Ithaque est perdue !