Les livres-navettes de Berthe Bergé 1932-1936

dimanche 24 septembre 2017, par Roseline Combroux

Par un bel après-midi de septembre Madame Hélène Faudot a reçu des membres de l’APA de Toulouse, aux Archives départementales de la Haute-Garonne pour nous présenter les livres-navettes que sa mère, Berthe Bergé, avaient lancés. Avec passion elle nous a raconté l’origine de cette idée qui a duré de 1932 à 1936.

Berthe vivait en Tunisie et était lectrice dans deux magazines féminins de cette époque, Eve et Minerva. Le courrier des lecteurs trop abondant et limité à quelques lignes ne suffisait pas à satisfaire la soif de communication de ses lectrices. Berthe a eu l’idée de lancer ces livres à faire voyager.

Ne contenant à l’origine que des feuilles vierges, ces livres circulaient, en France et en Tunisie. Berthe donne des consignes en début de livre. En le recevant, chacun-e a la mission d’y apposer des photos, des textes, des pensées, de noter des poèmes, de répondre à quelques questions (Quel livre lisez-vous ? Si vous aviez eu le choix auriez-vous préféré être une fille ou un garçon ?...) C’est elle qui commence à écrire.

Les personnes écrivent sous un pseudonyme. Les siens étaient Lazarine et L’assoiffée du Bleu dont on vit. Plus de 80 personnes ont contribué à garnir les cinq livres navette qu’elle avait lancés (portant les pseudonymes de : Couci-Couça, Fier cœur fidèle à l’amitié, Rêve d’exilé, Cagouille cognaçaise, Blondinette sans soleil, M et Moi, Souvenir de Noël, L’Innombrable, Souvent dans la lune, Gascogne mes amours, etc.). D’autres livres ont été mis en circulation à la même époque. C’est Hélène Faudot qui leur a donné ce nom de livres navette, Berthe les nommait tantôt album, tantôt vagabond. Une fois son écrit achevé la personne le confiait à une de ses connaissances et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il soit terminé. Ces allers-retours duraient parfois, pour certains livres, jusqu’à 18 mois. La personne qui intervenait dans les dernières pages renvoyait le livre à celle qui l’avait lancé. Ils ont fait escale entre autres à Puteaux, Marseille, Sidi Bel Abbés, Angoulême, Agen, Paris, Bordeaux, Toulouse, Nancy, Nantes.

Sur ces cinq livres, quatre ont une couverture en cuir avec une inscription en arabe patinée par le temps, la première est en papier. Soigneusement tenus on y découvre des écritures à la plume amples, ramassées, régulières, torturées ; des photos de jeunes femmes joyeuses élégantes, de jeunes hommes portant fièrement le chapeau ; de maisons, de jardins ; des dessins, des calligraphies. Les textes laissent transparaître les valeurs d’une époque, certains très conformes d’autres plus transgressifs, ironiques. On y rencontre des auteurs inconnus pour nous. Beaucoup d’émotion à feuilleter ces pages témoins de la vie.

Hélène Faudot recherche les familles des personnes qui sont intervenues dans les livres navette. Á ce jour elle en a retrouvé soixante-sept. Certaines connaissaient l’existence de ces documents ou en possédaient, mais peu. Un monsieur lui en a montré un qui avait été mis en circulation par une personne de sa famille, ainsi elle a pu découvrir ce que sa mère écrivait dans le livre des autres.

Un partage vraiment passionnant, un accueil chaleureux qui rend cette découverte à classer dans les moments qui font le sel de la vie.

Voir également l’avis de recherche de livres navette lancée sur le site Histoire et Généalogie