Lina Soualem : Leur Algérie

vendredi 12 novembre 2021, par Lucie Saulle

Film documentaire, 2020, 1h12.

La jeune Lina Soualem, fille de l’acteur franco-algérien Zinédine Soualem et de l’actrice et réalisatrice palestinienne Hiam Habbas, a perçu l’urgence de recueillir la parole de ses grands-parents paternels, leur histoire d’immigrés venus d’Algérie en 1949, pour s’installer à Thiers, dans le Puy-de-Dôme, où le grand-père travaillera toute sa vie comme polisseur dans une coutellerie de la ville. Sans formation cinématographique au départ, elle a néanmoins décidé de faire un film de sa quête mémorielle et a réussi au final un riche et émouvant documentaire.

Ses grands-parents ont décidé de vivre séparés à 80 ans ! La séparation, c’est elle, Aïcha, qui l’a voulue. J’ai eu besoin d’un peu de liberté pour recevoir mes enfants, mes amies comme je veux. C’est un acte de liberté pris très tard dans ma vie, mais je ne regrette rien. Je regarde vers l’avenir, le temps qui reste. Une belle leçon d’émancipation féminine !

Lina se rend à Thiers, s’installe prés de son grand-père ou de sa grand-mère, évoque ses propres souvenirs, les questionne parfois et filme, écoute. On entre avec elle dans leurs souvenirs comme s’il s’agissait d’une soirée au coin du feu où on évoque le passé.

Le film est particulièrement juste, très touchant. Dès le début elle dévoile des images du passé, des fêtes de famille, un mariage. Les grands-parents sont filmés dans leur appartement respectif, ou à l’extérieur, seuls, ou ensemble, sans mise en scène, sans voyeurisme. Les questions sont directes et les réponses nous émeuvent car nous sommes en présence de souvenirs ou d’oublis, qui s’expriment dans les larmes, les rires, les silences, avec peu de mots mais des mots de poids.

Non ils n’avaient pas le sentiment d’être français. Ils ne l’ont toujours pas. Ils se sentent algériens, exilés dit-elle. Ils sont restés des exilés prisonniers de leur travail, celui qu’on leur avait accordé à leur arrivée à Thiers, comme l’explicite Mabrouk, le grand-père.

Une mélancolie profonde accompagne ce témoignage d’exilés qui ne peuvent guérir de leur passé.