Louise Bourgeois : Rétrospective au centre Pompidou

lundi 14 avril 2008, par Bernard Massip

Exposition, printemps 2008

La rétrospective Louise Bourgeois qui se déroule au centre Pompidou est superbe, plastiquement très belle mais aussi passionnante pour l’amateur d’autobiographie.

Car cette œuvre est explicitement rattachée par son auteure à son parcours de vie. « Elle trouve sa source dans mon enfance, qui n’a jamais perdu sa magie ni son drame » dit-elle. Elle s’articule de plus avec une écriture intime poursuivie toute sa vie à travers des journaux tenus avec régularité depuis l’âge de douze ans.

Louise Bourgeois utilise les matériaux les plus divers, le bois, le métal, la pierre et (notamment de très beaux marbres, ce « sucre des pierres ») mais aussi le tissu. Elle a réalisé également de nombreux dessins et aquarelles dans lesquels des mots, des phrases entières issus de ses carnets s’insinuent. Elle parvient à insuffler à ce qui est dur (la pierre) du tendre, du mou, conférant à tout ce qu’elle touche un côté profondément organique et souvent à fortes connotations sexuelles. Voyez cumuls cet amoncellement de formes arrondies d’un marbre si soyeux qu’on aurait envie de le caresser.

Dans certaines pièces elle mêle des éléments hétérogènes et très parlants qui leur confèrent un caractère quasi narratif : ainsi, dans sa série cellule, dans laquelle elle bourre un espace construit d’objets symboliques en lien avec son histoire familiale. Ou encore dans "the reticent child" qui évoque à travers plusieurs petites figures en tissu placé devant un miroir déformant son rapport le plus intime avec l’un de ses enfants tardant à naître, elle se représente elle-même enceinte puis parturiente. Les miroirs sont nombreux, dans lesquels le visiteur se trouve lui-même reflété et par ce biais, rapproché, intégré dans le décor, intégré dans l’œuvre.

Il y a aussi cette magnifique figure d’après nature, animal fabuleux, sorte de griffon sans tête associant symboles masculin et féminin, à la tête décapitée. Elle est explicitement l’image du père haï. « Mon père m’a détruit, écrit-elle, pourquoi ne le détruirais-je pas ? »

L’art, la création de la beauté se révèle bien ici comme une sublimation des douleurs familiales, voire comme une préservation de la folie : « art is a guaranty of sanity » écrit-elle dans l’un de ses dessins.