Lydia Flem : Lettres d’amour en héritage

jeudi 11 janvier 2007, par Sylvette Dupuy

Seuil, 2006

De Lydia Flem, on avait déjà lu Comment j’ai vidé la maison de mes parents ou comment, lorsqu’on devient orpheline, outre le deuil si dur à assumer, et le fait symbolique d’être désormais un soldat de la première ligne, il faut venir à bout d’une autre tâche écrasante : celle d’ouvrir des tiroirs, de fouiller, d’oser l’indiscrétion, de trier, jeter, vendre des objets et ne pas en ressentir de culpabilité.

Lydia Flem avait laissé de côté trois boîtes dans le grenier : la correspondance amoureuse de ses parents dans l’immédiat après-guerre. Il lui a fallu du temps pour réussir à décacheter les lettres, les lire, se décider à en faire « quelque chose », les transcrire à l’ordinateur, les utiliser pour élaborer une œuvre. C’est tout ce cheminement qu’elle expose dans son dernier ouvrage : Lettres d’amour en héritage.

Ses parents, Boris et Jacqueline sont deux rescapés des camps et se rencontrent dans un sanatorium où la jeune fille très malade soigne une tuberculose contractée à Auschwitz. En décrivant les livres et les musiques qu’ils aiment et en se confiant leurs souvenirs, ils commencent une étonnante histoire d’amour par lettres qui dure de longs mois. Jacqueline lutte avec acharnement pour survivre et Boris est devenu sa raison de vivre. Boris lui, d’origine russe, qui a tout perdu, l’appelle son « tout, son « ciel bleu, son adorée, sa maman, sa sœur ». Deux enfants perdus, déracinés.

Lydia, fille unique naîtra de leur amour. Comme les enfants de survivants, elle sera une enfant forcément sage et obéissante pour ne pas peiner ses deux parents qu’elle sent fragiles. Héritage dont on devine qu’il n’est pas aisé tous les jours. Elle sait mettre avec beaucoup de talent le doigt sur ce mystère de ce qui nous précède, cet « avant-nous » qui est un des éléments qui nous façonne. Écoutons-là :

« Sur la partition de notre histoire ne s’effacent pas les étranges détours de l’inconscient de nos parents. Nous avons été modelés autant par ce qu’ils ont voulu nous transmettre que parce qu’ils nous ont transmis à leur insu. Une généalogie inconsciente sur plusieurs générations, nous traverse. Nous portons, souvent sans nous en douter, des blessures venues de nos ascendants, d’anciennes missions, de lourds secrets. »

Comment douter que ces paroles ne résonnent pas d’une manière particulière chez nous, apaïstes ?