Mireille Bonnelle : Rencontres de grands chemins

dimanche 1er juin 2014, par Élisabeth Cépède

Éditions du Petit Pavé, 2014

Mireille Bonnelle poursuit le récit de son amour fou pour Alain Caillol, l’instigateur de l’enlèvement du baron Empain. Depuis les Lettres en liberté conditionnelles, le fil ne s’est jamais rompu entre l’universitaire et le repris de justice.

Elle lui dédie son nouveau livre à la croisée de l’autobiographie et de l’auto-fiction. Rencontres de grands chemins, le titre est bien choisi. Qui aurait pu penser que l’appel à l’aide d’Alain Caillol, bandit purgeant sa peine à Fleury-Mérogis, à la spécialiste de George Sand, entraînerait celle-ci hors de sa route bien tracée ? Aurait-elle enseigné dans l’univers carcéral s’il n’avait croisé son chemin ? Depuis cette rencontre amoureuse fatale, l’auteur est obsédée par l’interrogation « …pourquoi et comment en arrive-t-on à ces actes délictuels, voire criminels ? »

Remarquons la coïncidence extraordinaire qui la fait désigner comme jurée à la Cour d’Assises de Paris, au moment où elle décide d’écrire la suite de l’histoire de sa relation avec Alain Caillol. Elle tire profit de cette expérience nouvelle en l’intégrant au récit principal. Le « roman » alterne donc au départ comptes-rendus de séances et rencontres et rendez-vous avec celui qu’elle appelait dans une première version "Un voyou ordinaire". Ce balancement entre une histoire d’amour personnelle et les fragments de vie dérisoires et tragiques des petits délinquants qui se succèdent aux Assises élargit la trame romanesque, montrant le fonctionnement inadéquat de la justice dans notre société. Le souci obsessionnel de comprendre les exploits d’Alain soulève le problème général de la répression de la délinquance et de ses ratés dans notre pays.

En sourdine s’entend un plaidoyer en faveur de son protégé. Et on peut admirer l’énergie toujours renaissante de cette femme dont aucune déception n’entame la générosité. Elle se veut parfaite. Sévère dans ses jugements, certes, mais juste et toujours présente et prête à porter aide. Rôle d’une mère plutôt que d’une amante, peut-être. D’une divinité tutélaire sans doute difficile à supporter longtemps pour un homme. Ce livre touche.

Certes, Mireille Bonnelle a pris de la distance par rapport au temps de l’échange de leurs lettres. Elle perçoit mieux son ami, son égocentrisme, son caractère instable, ses faiblesses et compromissions. Elle parle de ses sentiments. Mais on entre peu dans son intimité. Elle se croit lucide mais reste pourtant envoûtée, sous influence. Toujours fidèle, elle étend audacieusement son aide à qui lui rappelle son ami. Au point qu’Alain la met en garde contre ses risques inutiles. Alain reste irrémédiablement dans son opacité.

Écartelée entre ses contradictions, inextinguible soif de tendresse et besoin de maîtrise absolue, Mireille Bonnelle n’a plus qu’à se rappeler quelques rares moments de tendresse pour fantasmer une romance idyllique. Elle s’enferme dans une rêverie du siècle passé. Elle reste bien sympathique. Humaine.

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