Nicole Lombard : Loin des vendanges

dimanche 11 mars 2007, par Maggy Poulet

Stock, 2006

« Plus que le vin me fascine la vigne » écrit Nicole Lombard, exilée volontaire dans l’Aubrac, qui a gardé de son enfance bourguignonne l’amour de la vigne, en petites parcelles, précise-t-elle, et le souvenir des cadolles (cabanes) ancestrales.

« Où que je passe, il est rare que m’échappe la plus discrète treille, bénédiction posée sur le mur inégal des maisons paysannes ou sur ces maisons de famille aux vastes façades débonnaires, construites par des gens qui jamais ne doutèrent que leur prochain séjour serait au paradis... »

Nicole Lombard nous fait faire une promenade savoureuse à travers les provinces de sa vie. Lui reviennent le goût du vin nouveau, les odeurs de barrique, des histoires entendues à travers la porte et aussi des vers de Paul Toulet.et de Maurice Chappaz. Baptisée au vin de Jurançon, elle a la tristesse de voir ensevelies par l’éboulement d’un pan de mur de sa maison des bouteilles de ce vin, cuvée 1993.

Pour elle, comme pour ses parents jadis, le vin a « un goût de fête et d’aventure ». Dans sa famille on ne buvait du vin que dans les grandes occasions. Sa mère pensait « qu’un beau et bon vin, servi dans un joli verre, sous une tonnelle des bords de Loire, une auberge rhénane, une osteria dans la campagne romaine, avait sa place dans une éducation honnête. »

« Mémoire du vin et vin de mémoire. Je ne me souviens d’aucun vin que j’aurais découvert toute seule... Il y a toujours quelqu’un derrière un vin que j’aime. Parfois le fantôme de quelqu’un. » Elle se souvient du vin de Cerdon et de la galette bressane, dégustés au cours de promenades dans la traction-avant familiale - et que nous découvrirons lors des journées anniversaires de l’APA à Ambérieu.

Sur le mur exposé au Sud de sa maison de l’Aubrac, elle a planté en avril un pied de vigne, choisi à grand peine, un « noir hâtif de Marseille » qu’elle protège avec quelques pierres de lave, une vigne de compagnie, écrit-elle. En juin les petites feuilles de vigne arrivent, elle les surveille avec amour mais la chèvre Albertine s’échappe et les dévore. La courageuse petite vigne refait une pousse, grandit tant qu’il faut la tutoriser, ses vrilles s’accrochent. Un grappillon dore au soleil d’octobre. Elle le surveille, attend sa complète maturation, fait des projets de confiture... mais les paons mangent les raisins dès qu’ils sont à point.

Lisez Loin des vendanges. Il n’y est pas seulement question de vignes et de vins, mais de maisons de famille, de souvenirs retrouvés, de recettes, de coutumes et de rites oubliés - de toute une géographie odorante et goûteuse. Du bonheur et de la nostalgie aussi.

« Les paysages de ma vie trop souvent s’effilochent. Trop de soleils ont pâli leurs couleurs. Qui donc, qui d’autre que moi a négligé de tirer les volets sur ces fragiles aquarelles ? Mais ces couleurs passées, doublement passées, n’en sont peut-être que plus belles... »