Noémie Cadet : Écrits ordinaires singuliers, un mémoire de recherche sur le journal personnel

mercredi 6 juillet 2016, par Madeleine Rebaudières

Écrits ordinaires singuliers. Façons de (se) dire Façons de (se) voir Façons de faire.
Mémoire de recherche sous la direction de Vaïana Le Coustumer, Vincent Rossin et Bertrand Vieillard. DSAA Design Produit, École Boulle, Paris 2016.

Une fois son thème de recherche validé par ses professeurs, Noémie Cadet consacre sa deuxième année de Diplôme supérieur des arts appliqués, spécialité Design Produit, au Journal personnel, une pratique d’écriture. Elle choisit pour elle-même les carnets Moleskine weekly diary format A6, couverture rouge et, dans l’entrée de journal du 5/10/2015, elle écrit : « je dois devenir l’experte du journal »... « expérimenter différentes méthodes d’archivage de mes journées, devenir théoricienne et praticienne. »
Un protocole photographique est mis en place dès le 4/08/2015.
Un compte Twitter : résumer chaque journée en 140 caractères.
Un « journal de nuit, dans lequel j’enregistre mes fictions nocturnes ».
« Un entretien avec ma tante, diariste de longue date ».
Un protocole vidéo sur une année entière : une seconde de vidéo par jour (à l’aide du téléphone). Les 365 prochaines journées seront condensées en 6,08 minutes d’images animées.

Le mémoire comporte six chapitres, des illustrations et une très bonne bibliographie.
Sans vouloir prétendre à l’exhaustivité sur le sujet, l’auteure explore un grand nombre de questions passionnantes posées par la pratique du Journal :
1. L’(extra) ordinaire quotidien ;
2. Un journal à soi ?
3. Le journal, un singulier objet ;
4. Enregistrements à vif (journal filmé, protocoles photographiques, journal audio) ;
5. Que devient cette matière ? Qu’en faire ? Conservation, archivage. Destruction et journal éphémère ;
6. Nouveau paradigme technologique et néo-diarisme : l’un n’exclut pas l’autre. Du cahier à l’ordinateur. M’as-tu vu ? Du privé au public. Vers un journal participatif.

Noémie Cadet a rencontré des apaïstes, est allée visiter les archives de l’APA à La Grenette et consulter notamment le Journal d’Ariane Grimm.
On peut voir en ligne les fiches sur ses rencontres avec l’APA.
Elle connaît le travail d’Irvin Anneix notamment (Mots d’ados)exposé récemment au Centre Pompidou. Elle propose « un panorama des gestes et manifestations du Journal, la réalité contemporaine polymorphe de la pratique diaire. »

En conclusion : Son travail « invite à saisir la façon dont la pratique diaire, majoritairement repliée sur elle-même, est finalement grande ouverte sur le monde. Le néo-diarisme, né de la culture numérique mène la porosité [entre privé et public] à son paroxysme et confère à la pratique une réelle dimension sociale. »

Le designer peut-il mettre en valeur cette pratique ? Comment « faire faire » ? Ce que propose Noémie Cadet, c’est une invitation à la pratique (et non un formatage) « en cherchant à cultiver la singularité et l’originalité des productions »... « Impulser le potentiel de création et d’expression intrinsèque à la pratique diaire, tout en laissant la place forte à la singularité du diariste, tel est l’enjeu de ma démarche. En tant que designer, technicienne sensible, je cherche les conditions pour faire dire en invitant à expérimenter le diaire dans sa forme textuelle. Je propose Di, la fabrique à dire, une application mobile conçue comme un petit atelier d’écriture dont le médiateur est l’interface. À l’utilisateur de se laisser prendre aux mots au travers d’un journal de jour et d’un journal de nuit. Di offre un espace personnel d’écriture dans lequel l’utilisateur peut écrire des di de jour pour évoquer des faits vécus et des sensations ressenties au cours de la journée et des di de nuit pour raconter ses fictions nocturnes, les archiver, les consulter, les partager et les éditer. »

Un travail passionnant et prometteur qui enrichit la vision que l’on a du Journal personnel.
Lire le Mémoire.
Contact : cadet.no@gmail.com ou di.fabriqueadire@gmail.com