Olonne Film Festival (OFF) 2015

lundi 30 novembre 2015, par Line Roux-Calviera

Petite Lanterne, Olonne-sur-Mer, Vendée

« Plutôt que de fulminer contre les ténèbres, il vaut mieux allumer une petite lanterne ». Ce proverbe chinois, la devise de l’association Petite Lanterne, nous a accompagnés et soutenus - surtout à partir de samedi matin -, dans ce festival de cinéma auquel j’ai participé, les vendredi 13, samedi 14 et dimanche 15 novembre 2015.

Cette 4ème édition, aussi riche que les précédentes, proposait une vingtaine de films, de 3 min à 2 h 46, sous le signe de l’autobiographie, ou de « l’autobiofiction », la plupart en présence de leur réalisateur.

Certains, comme La vie de Jean-Marie de Peter van Houten, Quelques moments de la vie de Jacques de Marie-José Kraft-Béhar, A la source de Guillaume Baudoin, sont des portraits fort attachants de personnes filmées au cours de plusieurs années : Jean-Marie, curé atypique des Pyrénées, Jacques atteint à 65 ans d’une maladie orpheline appelée démence sémantique et Robert, ouvrier-paysan-sourcier. Julie & Yan Rambaud, quant à eux, proposent avec Suite à un voyageur un travail autour du roman de Renaud Burel Château-Rouge Hôtel, prolongement en son et en images d’un livre « qui ne se tait pas après avoir été refermé ». Si on a aimé le roman, on aimera sans doute le film, qui pour ma part ne m’a pas donné l’envie d’en savoir plus.

D’autres s’attachent à des situations vécues ou créées, tel Abymée de Lionel Kaplan, film dans le film où l’actrice se voudrait réalisatrice, réflexion sur les métiers du cinéma. Deux autres films mettent en scène le même événement, la fin du monde annoncée pour le 21 décembre 2012 : avec How much rain to make rainbow, Alain Della Negra et Kaori Kinoshita ont installé un campement à Palenque au Mexique, à proximité de la communauté néo-hippie Rainbow réunie en attente de l’ère nouvelle, pour tenter de capter l’essence de cette grande fête pacifique à laquelle ils ne peuvent participer ; avec Monts et merveilles, Cédric Michel nous emmène à Bugarach, petite commune des Pyrénées devenue célèbre pour ce qui fut un non-événement, néanmoins fort drôle. Enfin un court film surprenant de Benoît Labourdette Le baiser 1234567 traitant de manière très originale le grave sujet de l’inceste.

Dans le registre autobiographique nous avons fait de belles découvertes :

Vincent de Cointet raconte dans 3 août l’histoire du drame qu’il a vécu à l’âge de 6 ans. L’accident fatal surgi dans l’insouciance des vacances chez les grands-parents avec cousins et cousines. Sa grande sœur, partie en voiture avec sa mère, meurt dans un accident. En reconstituant ce terrible drame à l’aide de ses souvenirs, le cinéaste montre de façon très émouvante et légère à la fois comment un enfant de cet âge vit un tel événement ou plutôt ne le vit pas.

Avant le repas de Fabien & Sophie Tran-Minh est aussi une reconstitution de souvenirs d’enfance dans des familles vietnamiennes et notamment des rituels qui peu à peu se perdent et de la langue que les enfants ne comprennent plus. Question bien actuelle de l’assimilation, traitée avec sensibilité et pudeur.

Table-ronde au festival d’Olonne
De g. à dr. : Benoît Labourdette, cinéaste, Mathieu Heinczel, lycéen, Patrice Gablin, président de la cinémathèque de Vendée, Matthieu Haag, cinéaste, Estelle Brattesani, "femme-tambour" et Yvan Petit, cinéaste.

Sur le thème du couple et de l’amour deux réalisatrices nous racontent leur vie amoureuse. Deux films très différents : l’un de 23 min, Orages d’été, réalisé par Heidi Hassan, Cubaine résidant en Suisse, est une autofiction poétique sur sa rencontre vers la trentaine avec un guitariste. Les images tantôt floues, tantôt très réalistes, oscillent entre la nostalgie du temps de l’insouciance et la peur de s’engager et de souffrir ; l’autre, Happily ever after, de Tatjana Bozic, cinéaste d’origine croate, vivant aux Pays-Bas, plus long (84 min), est beaucoup plus construit. Pour comprendre pourquoi ses histoires d’amour échouent toujours, Tatiana se livre à une reconstitution de chacune d’entre elles, en convoquant ses anciens amoureux, qu’ils soient de Moscou, de Hambourg, de Londres ou de Zagreb. Comment, à la lumière de ce qu’ils lui apprennent sur elle-même, va-t-elle réussir sa vie amoureuse actuelle avec son nouveau compagnon hollandais. Avec passion et légèreté, un peu d’autodérision aussi, avec de très belles images, ce film touche à l’universalité et à la complexité de l’amour. Des incursions dans les différentes cultures, notamment lorsqu’elle est dans sa famille croate, ajoutent une dimension contemporaine à ce beau documentaire à la première personne. C’est l’un de mes coups de cœur. Après avoir été actrice dans des films autour de l’engagement des femmes, elle s’est posée la question de « comment vous devenez une femme ? ». Avoir réalisé ce film lui a apporté un nouvel éclairage sur elle-même, surtout grâce au regard des autres, m’a-t-elle confié.

Et puis Le paradis d’Alain Cavalier qui, retenu à Lyon, n’a pu être des nôtres. Une fresque toute personnelle célébrant la beauté de la vie, réalisée avec un minimum de moyens, une minicaméra numérique et quelques objets de son quotidien.

Un grand moment du festival a été Je suis le peuple d’Anna Roussillon qui raconte en 1 h 51 min la Révolution égyptienne de 2013 et ses suites en se plaçant au cœur d’un village de modestes paysans dans la vallée de Louxor. Récit historique, découverte de la vie difficile de ces villageois, de leurs réflexions et de leur intelligence des événements. Anna, franco-égyptienne par sa grand-mère, nous offre là un beau et grand film. J’ai entendu dire qu’il devrait passer sur les écrans prochainement. Espérons-le !

Citons encore Juste avant la guerre de Yvan Petit, autoportrait par téléphone portable ; Front de mer, 10 minutes d’images filmées par un soldat allemand en 1943 à Saint-Malo et travaillées par des étudiants de Rennes. Sans oublier les 24 très courts films de 5 minutes maximum sélectionnés parmi les 61 films reçus pour le concours "Tranche de vie", avec quelques pépites. Le prix du public est allé à Noëmie Carpe pour Le fantôme de Tintin, le prix du jury à Victor Fleurant pour Le stockage insuffisant et le grand prix à Margaux Dieudonné pour Confession à perpétuité.

Les séances ont été ponctuées par les chroniques drôles et sérieuses de Lena, la femme-tambour, courtes séquences vidéo d’Estelle Brattesani, que je ne peux que vous conseiller d’aller découvrir sur internet, voire de la soutenir si le cœur vous en dit. La table ronde Il (elle) a fait un film tout(e) seul(e) et le ciné-concert Sept ans de malheur de Max Linder ont apporté réflexion et détente à ce riche festival. Les tragiques événements de Paris ont ajouté beaucoup d’émotion mais aussi du bonheur à être finalement restés ensemble jusqu’au bout.

Souhaitons lui longue vie et merci à ses organisateurs, Dominique et Pierre Laudijois, et à toute l’équipe de bénévoles.