Pauline Basso et Adèle Godefroy : Les cartes postales de Michel Butor

lundi 1er avril 2024, par Catherine Merlin

Pauline Basso et Adèle Godefroy : Les cartes postales de Michel Butor, Éditions du Canoë, 2024, 240 p., illustr.

Se trouvant à Albuquerque, lors d’une tournée de conférences aux États-Unis dans les années 60, Michel Butor délaisse la photographie pour s’adonner à des assemblages de cartes postales qu’il adresse à ses divers correspondants. Commencés comme un amusement, ces créations deviennent, au fil du temps, de plus en plus élaborées et se diversifient selon les destinataires.

Pauline Basso les a étudiés et Adèle Godefroy les a photographiés. Dans leur livre, cette activité parallèle à l’œuvre du grand écrivain est montrée pour la première fois. Dans sa préface, Mireille Calle-Gruber met l’accent sur l’importance de la correspondance dans l’œuvre de Michel Butor, qui est encore – à elle seule – un continent inédit.

À l’occasion de cette parution, Nathalie Jungerman a rencontré les auteurs du livre, ainsi que la préfacière, pour un grand entretien qui ouvre le dossier présenté par Florilettres, la revue littéraire numérique qu’elle a créée en 2002 pour la Fondation La Poste.

« Ce livre, indique Pauline Basso, s’inscrit dans un projet de recherches plus large, dirigé par Anne Reverseau à l’Université catholique de Louvain, qui s’intéresse au maniement, à la manutention et à la manipulation des images par les écrivains, du XIXe siècle à nos jours » (par ex. Marguerite Duras, Claude Simon, Henry Bauchau).

« Au fil de mes recherches, je me suis rendu compte que personne n’avait encore exploré cette pratique butorienne qui me semble pourtant centrale dans son œuvre : j’ai alors eu l’idée de leur consacrer un livre qui ne se concentrerait pas sur le contenu de la correspondance (ce qui avait déjà été fait), mais sur sa forme et qui s’attacherait à insister sur les matières, sur les gestes que convoquent leur réalisation ainsi que leur lecture. » « Ce qui n’était au départ qu’un jeu, un délassement comme le disait Butor, est devenu un point central de son organisation (il y consacrait son jeudi après-midi) et a rejoint l’œuvre littéraire. »

Pauline Basso expose ensuite en détail les divers types de papier et de matériaux utilisés par Butor, ainsi que l’apport de cette pratique à sa correspondance et l’importance de celle-ci dans l’œuvre de l’écrivain, éclairant ses œuvres de fiction.

Adèle Godefroy, auteur d’une thèse de doctorat sur Le Prétexte photographique dans l’écriture de Michel Butor, a réfléchi notamment aux rapports multiples entre l’image et le texte. « Même si Michel Butor parle du « défi » de l’image, parfois même de son « affrontement », c’est d’abord moins pour rivaliser avec elle que pour écrire avec elle. La photographie a été un pré-texte, qui a permis l’émergence d’écritures foisonnantes : j’ai montré dans ma thèse qu’elle avait d’abord été pour Butor un outil pour apprendre à voir, qui a installé durablement en lui un « viseur dans la tête », avant d’être une source d’inspiration inépuisable dans ses compagnonnages avec les artistes. »

Elle avait rencontré Butor pour parler de ce thème avec lui ; elle a également rencontré certains des destinataires des cartes postales au cours de la préparation du présent livre. Mireille Calle-Gruber, qui a travaillé avec Michel Butor et faisait partie de ses correspondants, appelle ces courriers des « cartes magiques », car « les assemblages de Butor invitent à une manipulation qui fait réapparaître ce qui a momentanément disparu. Lire le courrier de Michel Butor, c’est apprendre à lire : combiner, interpréter, modifier et composer sans fin. »

Le dossier passionnant de Florilettres comprend également des extraits du livre et un portrait de Michel Butor par Corinne Amar.