Philippe Lejeune : Écrire sa vie - du pacte au patrimoine autobiographique

vendredi 24 juillet 2015, par Élizabeth Legros Chapuis

— - Éditions du Mauconduit, 2015

Pour qui n’aurait lu aucun livre de Philippe Lejeune, voici une introduction rapide mais complète au domaine qu’il nous a ouvert, l’étude de l’autobiographie. Ce petit volume rassemble cinq textes, reprenant des communications présentées à des colloques ou des articles parus dans des périodiques, et un entretien avec Brigitte Diaz, de la revue Magasin du XIXe siècle. Il comprend également un cahier photo illustrant l’historique et les activités de l’APA.

Dans le chapitre Itinéraire d’une recherche, Philippe Lejeune – malgré sa réticence instinctive – évoque son cas personnel, et montre comment son intérêt pourtant précoce pour l’autobiographie ne s’est vraiment développé que vers la trentaine. « Mon illumination fut la lecture de Michel Leiris ». Il s’aperçoit alors que ce domaine est une « nouvelle frontière », un territoire inexploré, et se lance dans l’aventure. Il en vient rapidement à la définition qui porte désormais sa marque, le fameux « pacte autobiographique », dont il rappelle ici la teneur : « Une autobiographie, ce n’est pas un texte dans lequel quelqu’un dit la vérité sur soi, mais un texte dans lequel quelqu’un de réel dit qu’il la dit. » Les premières œuvres qu’il étudie sont les textes autobiographiques des grands écrivains : Rousseau, Stendhal, Gide, puis – Sartre ayant cette fois servi de déclic – son intérêt se développe pour les récits « ordinaires » et c’est alors qu’il publie Calicot, le récit de vie de son arrière-grand-père, Xavier Édouard Lejeune. A partir des années 80, il étudie également les textes de « journaux personnels », intitulé qu’il préfère au terme de « journal intime » trop restrictif. En 1992, c’est la fondation de l’Association pour l’Autobiographie (APA), qui s’installe à Ambérieu avec pour mission de recueillir et conserver tous les textes autobiographiques inédits : aujourd’hui elle compte environ 3500 dépôts, dont 75 % de récits, 20 % de journaux et 5 % de correspondances.

Avec Lire en sympathie, Philippe Lejeune décrit ensuite les activités des « groupes de lecture » constitués au sein de l’APA. Ces groupes ont pour tâche de lire avec, comme les psychanalystes, une neutralité bienveillante, les textes non triés, envoyés par les déposants à l’Association. Les membres des groupes se répartissent les textes de manière informelle et selon leurs affinités. La finalité de ces lectures sera pour eux de rédiger ce que nous appelons dans notre jargon maison des « échos », c’est-à-dire de brefs comptes-rendus qui seront ensuite publiés une fois par an dans le Garde-Mémoire – qui constitue ainsi le « catalogue raisonné » du fonds . Depuis quelques années ces échos sont également mis en ligne sur le site internet de l’APA. Les « relectures » effectuées a posteriori de textes déjà commentés serviront de base à la publication de Cahiers thématiques, comme récemment celui consacré aux récits de la guerre 14-18. Le chapitre qui suit, Du brouillon à l’œuvre, évoque la genèse du livre d’André Pézard Nous autres à Vauquois, justement le récit d’un combattant de la Grande Guerre.

Philippe Lejeune continue à pister et dépister de nouveaux manuscrits de journaux personnels, et raconte dans l’entretien avec Brigitte Diaz comment il a découvert le journal d’Amélie Fabri, une jeune fille que Benjamin Constant aurait voulu épouser, ou encore les textes imbriqués de divers membres de la famille Coquebert de Montbret, un véritable travail de détective... Enfin le dernier chapitre est consacré à l’impact sur la pratique autobiographique des nouvelles technologies de communication, une mutation dont Philippe Lejeune avait dès 2000, dans son livre Cher Écran, perçu les enjeux.

Lire aussi l’article de Mathilde Silveira sur le site nonfiction

Lire l’article de Sandrine Brugot Maillard sur son blog Tête de lecture

Voir aussi l’article de Gaelle Obiègly sur le site Florilettres

Commander cet ouvrage à partir de notre site