Raoul Garnier : Le Choix du fils

vendredi 21 novembre 2008, par François Tézenas du Montcel

L’Harmattan, 2008

Le mot « résilience » est aujourd’hui à la mode, depuis les ouvrages de Boris Cyrulnik. Le dernier livre publié grâce à Vivre & l’écrire (Tours), Le Choix du fils, est l’histoire d’une résilience authentique, celle de son auteur, Raoul Garnier, ancien cadre infirmier, normand d’origine et tourangeau d’adoption. Aujourd’hui sexagénaire, l’auteur raconte son itinéraire hors-normes, dont les premières étapes furent l’absence d’un père décédé trois mois avant sa naissance et la présence affectueuse mais étouffante d’une mère à laquelle le fils voua sa vie. Une vie placée sous deux signes : celui de l’altruisme, puisque Raoul Garnier fut longtemps infirmier en Afrique noire, et celui du mensonge nécessaire, car sa vie personnelle orientée vers l’homosexualité n’était conciliable ni avec sa relation fusionnelle avec sa mère ni avec sa quête spirituelle. Le Choix du fils, avant d’être une « simple » autobiographie, est surtout une démarche de pardon et d’apaisement, après une vie d’errances professionnelles dans l’humanitaire et de vagabondages sexuels sans que ni les unes ni les autres n’apportent la paix.

Une scène, entre bien d’autres, est très impressionnante : celle du repas virtuel, dans la Normandie natale de l’auteur, entre le père, la mère et le fils réunis dans l’imaginaire de l’auteur. Retour vers la famille paternelle, rétablissement de liens avec la famille maternelle, ce récit est, en vérité une quête amorcée après le décès de la mère, en 2003. Quête spirituelle, certes, quête de racines, bien sûr, mais aussi quête d’authenticité, comme s’il s’agissait de prouver (n’en déplaise à Martin du Gard et son plaidoyer pour le « mensonge vital ») qu’on ne peut vivre une existence entière dans le mensonge et l’inavoué.

Le lecteur n’a jamais le sentiment de sombrer dans le voyeurisme, en dépit des mœurs littéraires de ce temps où tout un chacun écrit sur soi ou - pire encore - exhibe ses problème intimes chez Delarue. En dépit de scènes susceptibles de choquer les bien-pensants, Le Choix du fils, grâce au tact et aux qualités de plume de l’auteur, à ne pas sacrifier à cette mode selon laquelle la soi-disant « transparence » tiendrait lieu d’éthique littéraire : dire tout, sans tabou. L’autobiographie n’a ici pas de lien avec un jeu exhibitionniste, encore moins avec une coquetterie nombriliste : il s’agit d’une démarche nécessaire à la délivrance de l’auteur, si longtemps enlisé dans des espoirs déçus et de vaines conquêtes.

Les conquêtes se sont faites quête de vérité et ont abouti à la « guérison » d’un auteur qui conclut son livre sur ces mots :
« Je respire la vie... Et je rends grâce. »