Robert Bober : On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux

dimanche 6 février 2011, par Sylvette Dupuy

POL, 2010

J’aime beaucoup Robert Bober, auteur dont je pense qu’il n’est pas suffisamment reconnu et j’ai particulièrement aimé son dernier livre. Le titre est tiré d’un poème de Pierre Reverdy et la citation en exergue est de Patrick Modiano dans Livret de famille, ce qui n’étonne guère, une fois le livre refermé. Même si la « petite musique » de Bober est autre.

Nous sommes à Paris en 1962, dans le quartier de la rue Oberkampf et le héros adolescent fait de la figuration dans Jules et Jim, le film de Truffaut. Cela permettra à sa mère qui l’accompagne, une fois le film sorti, de révéler quelques secrets de famille. Ce sera le point de départ pour l’enfant qui va aller fouiller le passé à l’aide d’un carton de vieilles photographies, de cartes postales chinées aux Puces et grâce à de belles rencontres. Il marchera littéralement dans les pas de son père (Juif déporté qui ne revint jamais) grâce à une certaine porte qui donne sur le toit du Cirque d’Hiver. Au gré de son périple dans le passé, il se rend également à Berlin, Auschwitz et retrouve même la trace aux États-Unis d’une tante Esther, danseuse (« chorus girl ») dans les films américains.

Abondent les références cinématographiques qui régaleront les cinéphiles (Truffaut, Ophuls et sa fameuse Ronde qui tisse un lien entre tous les personnages, les Marx Brothers). L’auteur a le don de reconstituer une époque. Les détails historiques ne manquent pas qui tissent aussi la mémoire collective : la tuerie de Charonne, l’OAS, les émissions de Pierre Dumayet, les chansons, les cabarets de l’époque… et il y a de la nostalgie à retrouver ce Paris de Belleville encore « campagne » qui existait avec des personnages hauts en couleurs qu’on pouvait rencontrer dans les bistrots.

Sensible, plein de délicatesse pour les gens, voici un auteur que ne peuvent qu’aimer les apaïstes, je vous le garantis.