Roland Gigoi : Le scorpion dans la maison

mardi 15 mars 2022, par Roseline Combroux

Spectacle donné au théâtre du Chapeau Rouge, Toulouse

Il l’a écrit, il l’a déposé, il le joue.

Ce texte relate l’enquête que Roland Gigoi a mené sur les traces de son père, sur leur histoire marquée par les violences qu’il lui a infligées et qui sont longtemps restées passées sous silence.

Théâtre du Chapeau Rouge. Petit théâtre toulousain. Vendredi 11 mars 2022 - 21h
Il apparait chemise à carreaux, mince silhouette, il se plante devant nous « mon père est mort et rien n’a jamais été dit… » Derrière, une table sur laquelle se trouve une valise, il en sort un journal et nous lit la nécrologie élogieuse du père. Ce père poète, écrivain, lecteur assidu, admiré à l’extérieur sème la terreur dans la maison, rentrant souvent complètement ivre. Blottis l’un contre l’autre sa sœur et lui attendent , « pourvu qu’il ne prenne pas un couteau ». La mère rassure. La mère dit « il y avait le scorpion dans la maison ».

Il feuillette les carnets du père, montre des photos, lit des lettres. De son vivant Roland n’a jamais rien su de ce père ou si peu. Il revisite le passé, remonte le fil de ses souvenirs. Décrit des scènes, la plus horrible, lui, à genoux face à son père et l’on comprend. Rien d’égocentrique dans ce récit. Ce drame ne concerne pas que lui, la lecture d’autres témoignages de victimes le prouve.

Les paroles enregistrées de la mère renforcent l’isolement dans lequel ce petit garçon a vécu, la mère qui sait puisqu’elle l’a mis en garde « tu dois faire très attention à papa » mais elle dit aussi plus tard « ta sœur, elle, a dit non », cette phrase tombe comme un couperet donc c’est bien lui le coupable !

On comprend combien le chemin a été long et douloureux pour aboutir à ce partage public. Un long chemin de silence, de honte. Toujours faire bonne figure auprès des copains.

Le récit est dense, les phrases percutantes jamais dans l’excès et le pathos. On rit même parfois de son ironie. Il conserve toujours une certaine pudeur. Les excès de colère alternent avec des constats déchirants même s’il sait son père « entouré d’une armée de fantômes », il ne peut pas pardonner.

Un spectacle qui cogne, qui émeut tant Roland apparait comme un homme chaleureux qui a pu mettre à distance cette histoire et nous la confier avec sobriété à travers un texte poétique et sensible. Il tend la main à la vie. Une belle œuvre de transmission. Une ovation méritée a clôturé ce spectacle. Personne n’était pressé de quitter la salle. Roland est revenu dans la salle, souriant, disponible pour des échanges.

Le texte a été déposé à l’APA (APA 4014), il a bénéficié d’un écho par Monique Arrighi que l’on peut déjà lire sur le site de l’APA et qu’on trouvera dans le volume 21 du Garde mémoire à paraître en octobre.