Simonne Pouey-Mounou : Eclats de vert (2)

jeudi 5 décembre 2013, par Christine Mazet

Ubiquité Éditions 2012

À la fin de 1972, quand Louis Pouey-Mounou se rend pour la première fois à Fontenay aux Roses à une réunion de quartier contre le projet gouvernemental d’autoroute A10 qui veut éventrer la banlieue sud de Paris et pénétrer dans la capitale par un axe imposant baptisé « radiale Vercingétorix », il ne sait pas encore que sa vie et celle de son couple vont basculer. Ecrit par sa femme, Simonne Pouey-Mounou, professeur de lettres d’un lycée de Sceaux en banlieue parisienne, cette biographie, ou plutôt autobiographie de couple, a d’abord pour but de faire connaître et reconnaître le magnifique combat d’avant-garde mené pendant plus de 20 ans par son mari, architecte urbaniste, pour faire triompher une vision des transports et de l’urbanisme alternative à la vision officielle des Trente Glorieuses : en s’opposant au projet d’autoroute A10, puis en obtenant la couverture de la ligne du TGV Atlantique qui prend sa place, cette lutte aboutit en 1989 à la création de la « Coulée verte » , véritable poumon pour les habitants du sud de Paris. Ce texte révèle la somme de courage, dans les grandes et dans les petites choses, de persévérance, d’intelligence des rapports de forces, de sacrifices ( d’une carrière, d’une vie facile, de l’argent notamment, et même d’une reconnaissance publique…) qu’il faut pour faire aboutir une grande idée.

Ce livre est évidemment une mine de renseignements sur 20 ans de vie politique française et notamment sur la nébuleuse écologique française prise dès sa naissance, sur l’obscur travail de sensibilisation de l’opinion publique, sur l’organisation de l’écologie en force politique à partir de la candidature de René Dumont en 1974 et sur ses différents leaders (Antoine Waechter, Brice Lalonde, Corinne Lepage, Dominique Voynet…). Mais soucieux avant tout d’efficacité concrète, Louis Pouey-Mounou refuse toute ambition et pouvoir personnel et fait montre d’une totale ouverture d’esprit, rêvant de faire travailler ensemble parlementaires de tout bord, experts et mouvements associatifs. Après 1989, sa déception est progressive : « en 20 ans, dit-il, l’écologie politique est passée d’une grille de lecture originale et novatrice du monde à un projet politicien de recomposition de la Gauche critique ». Mais, si la désillusion guette, les réalisations sont là pour témoigner.

Dans ce texte, Simonne Pouey-Mounou fait aussi retour avec humour et lucidité sur son couple où le choix d’une vie soudée autour de valeurs communes laisse pourtant à chacun la liberté de s’épanouir dans une activité professionnelle et des goûts propres, un couple vivant et aimant, qui se soutient et dialogue tout en conservant un regard critique.

Elle-même puise dans l’amour pour ses deux filles, dans l’intérêt profond qu’elle porte à son métier et à ses élèves, dans son goût pour la littérature et les idées comme dans son amour de la nature une joie de vivre qui la fait résister à la montée du consumérisme ambiant et accepter une existence libre et frugale. Peut-être, une foi catholique, peu évoquée mais de tradition familiale révélée par la rapide présentation des ascendants de Louis, est-elle une des sources de ce projet de vie ? Il y a chez tous deux une grande cohérence entre leur vie personnelle et leur action publique .C’est aussi un témoignage passionnant sur l’évolution du couple et de la famille avant et après mai 68 : on y vit en particulier l’émancipation et le travail des femmes, la revendication de l’égalité des sexes ainsi que les résistances rencontrées.

Dans ce texte foisonnant mais servi par une plume élégante et précise, vie familiale, activité professionnelle et associative, réflexions politiques et humaines alternent sans cesse. Les documents joints (1976 à 1997) sont tous de première main.

Cet article a d’abord été publié comme écho de lecture dans le Garde-mémoire n° 13.
Sur ce même texte on pourra également lire ici l’article plus subjectif que lui a consacré Anne Miguet