Thérèse Jouve : Rien, en somme

samedi 22 septembre 2007, par Anne Brasier

Thélès, 2007

Ce roman émouvant relève à l’évidence de l’auto-fiction, chère à Serge Doubrovsky, d’ailleurs mentionné dans le livre. Il est dédié à « Joseph et Marguerite Raumann » que l’on devine être les parents de l’auteur.

A l’occasion d’un pèlerinage dans le village de son enfance gersoise, sur la tombe de sa mère où va l’accompagner pour la dernière fois, lui a-t-il dit, son père, Lisa, l’héroïne, évoque sa vie présente avec son mari Vincent et un récent voyage au Maroc. Présent et passé s’entrecroisent pour aboutir au même constat désenchanté qui donne son titre au livre : « Rien, en somme ». Rien et pourtant « toute sa vie en somme » dans le grand sac à main que la mère réclamait encore à la maison de retraite, rien non plus à l’intérieur du marabout qu’elle a visité au Maroc : « ossements et poussière. Cendres et néant. Rien en somme. » « Y a-t-il quelque chose ou rien ? » sujet aussi de conversations entre Lisa et son mari et de ses questionnements depuis l’enfance.

Le pèlerinage dans le Gers ressuscite des bribes du passé pendant la guerre : les affres du père, juif hongrois immigré, sa volonté de s’élever socialement, sa joie de recevoir sa lettre de naturalisation, le courage et le dévouement de la mère, quelques scènes de la vie à la campagne. Mais il y a surtout une brève apparition de Pétain devant une foule en liesse, la Résistance et les maquisards arrêtés, les amours secrètes d’un jeune maquisard et même du père et de la mère : « on connaît si mal ses parents ». Lisa se reproche son incompréhension du drame vécu par sa mère, son insensibilité et, devant la pierre tombale, constate, en larmes : « De sa mère, il ne restait que ces lettres d’or. Rien en somme. »

Après cette douloureuse plongée dans le passé qui exprime en filigrane souvenirs, regrets, désirs et surtout l’obsession de l’écriture, dès l’enfance, les deux derniers chapitres nous ramènent au présent de Lisa, aux fantasmes de Vincent, autour d’une amie de jeunesse, Jenny, dont une phrase le hante : « J’aurais dû mieux te regarder » ou « mieux regarder » ? De cet amour qui aurait pu être, « une histoire banale », Vincent conclut, comme Lisa, : « Rien de plus. Rien en somme ». Mais voici pour Lisa, la narratrice, le temps heureux de l’écriture grâce à laquelle s’abolit le « rien en somme »...