Une soirée consacrée à Séféris

samedi 11 février 2023, par Élizabeth Legros Chapuis

C’est par une soirée organisée à l’Ambassade de Grèce à Paris, le mercredi 8 février 2023, que la communauté hellénique a célébré l’attribution du Prix Clarens du Journal intime 2022 au livre du poète Georges Séféris, Journées. 1925-1944 , paru aux éditions Le Bruit du Temps dans une traduction de Gilles Ortlieb.

Le Prix Clarens du Journal intime a été fondé en 2019 par la Fondation Clarens pour l’humanisme, en partenariat avec la revue Les Moments littéraires. La soirée se terminant par un cocktail a été ponctuée par les allocutions de M. l’Ambassadeur Dimitrios Zevelakis, de Robert Thiéry, président de la Fondation Clarens, de Gilbert Moreau, directeur des Moments littéraires, d’Antoine Jaccottet, l’éditeur du livre ; ainsi que d’un entretien avec Gilles Ortlieb sur son travail de traduction, et de la lecture d’extraits des Journées en grec et en français.

Georges Séféris, récompensé par le Prix Nobel de littérature en 1963, est l’un des plus importants poètes et écrivains de langue grecque. L’édition grecque du journal compte neuf volumes, dont la parution actuelle en français couvre les quatre premiers ; un second tome à paraître ultérieurement comprendra les cinq volumes restants.

À propos de Séféris

Le poète Georges Séféris naît en 1900 à Smyrne, dans une famille grecque qui en sera chassée par les Turcs lors de la « grande catastrophe » de 1922 qui marque la fin de l’Hellénisme d’Asie mineure. Dès lors, toute sa vie et dans les pages de ces Journées qu’il consigne à partir de 1925, Séféris tentera de répondre aux contradictions inhérentes à ce qu’est devenue la Grèce : un petit pays dont l’indépendance et l’intégrité territoriale sont sans cesse menacées, mais un pays avec une immense tradition.

Comment, en poète qui a choisi d’écrire en grec, redonner une vie littéraire à la langue populaire de son pays, afin de renouer avec la vérité de l’Hellénisme, « caractérisé par l’amour de l’humain et de la justice » ? Comment, alors qu’on gagne sa vie comme fonctionnaire auprès des gouvernements successifs dans une période particulièrement troublée, affronter « l’épreuve inévitable » et ne pas céder au découragement quand on constate chaque jour que les hommes au pouvoir ne sauraient être à la hauteur de cet idéal ? Tout au long de ces pages, nous voyons Séféris vivre l’odyssée d’un perpétuel exilé : en Albanie où il est nommé avant-guerre puis — alors que la Grèce est vaincue, occupée, résistante, en proie à la guerre civile — en Crète, au Caire, en Afrique du Sud, à Jérusalem, à Londres, en Italie. Quelles que soient les circonstances, il mène de front deux existences parallèles : celle de l’homme de bureau — qui joue parfois un rôle de tout premier plan dans les événements historiques qu’il rapporte au jour le jour avec une acuité qui peut évoquer le Victor Hugo de Choses vues — et celle de l’écrivain qui rencontre André Gide, Henry Miller, Lawrence Durrell, commente Solomos ou Cavafis et publie de minces recueils qui permettront à la poésie grecque moderne de rivaliser avec celle de ses maîtres, Paul Valéry ou T. S. Eliot.

La hauteur de vues, la lucidité et la probité dont il fait preuve, pendant toutes ces années, font de ce témoignage pour mémoire un monument sans équivalent dans son siècle et son pays d’origine. Et qui justifie d’autant, a posteriori, que lui soit attribué, en octobre 1963, le prix Nobel de littérature, pour la première fois décerné à un écrivain grec.