Viktor Klemperer : Mes soldats de papier, Journal 1933-1941 ; Je veux témoigner jusqu’au bout, Journal 1942-1945

samedi 30 juin 2007, par Édith Bernheim

Le Seuil, coffret de deux livres, 2000

Cet ouvrage n’est ni récent, ni gai, ni vite lu mais il est absolument exemplaire pour nous diaristes. « écrire au péril de sa vie, laisser une trace authentique de l’horreur, donner une voix à ceux qui ne sont plus », c’est la lutte de Viktor Klemperer ce qu’il appelle ses « soldats de papier » .

Juif allemand (1881-1960), converti au protestantisme de longue date, professeur à l’Université de Dresde, spécialiste des Lumières, il est marié avec Eva aryenne et musicienne.

Très vite il ne pourra plus enseigner, puis on lui retirera son permis de conduire. Les juifs ne seront plus autorisés à avoir un animal domestique, (il faudra euthanasier le chat en vitesse) à posséder une machine à écrire, un poste de radio, une bicyclette, acheter un journal. Puis ils seront regroupés dans des immeubles avec une heure de sortie par jour ; interdiction de prendre les transports en commun, de s’asseoir sur un banc public, de traverser un square. A côté des grands cataclysmes : arrestations, déportations, Viktor Klemperer note scrupuleusement les brimades quotidiennes qui entraînent la lente dégradation de l’homme, la fabrication du sous-homme. Il constate aussi une insidieuse transformation du vocabulaire, les mots familiers n’ont plus tout à fait le même sens (repris dans un documentaire récent sur ARTE : « La Langue ne ment pas »). Il note « la tyrannie au jour le jour, mille piqûres de moustiques sont pires qu’un coup sur la tête. »

Écrire en cachette, au crayon, sur un support de fortune restera sa seule raison de tenir, de persévérer, de survivre malgré tout.