Yvette Szczupak-Thomas : Un diamant brut

vendredi 26 septembre 2008, par Anne Sedefian

Métaillé, 2008

« Tu dois toujours décider et agir en restant fidèle au sentiment que tu as de ta vérité. »
« N’oublie jamais que personne ne peut te salir, t’abaisser, t’humilier que toi-même. »
« Tu es unique. »

Grâce à ces paroles prononcées alors qu’elle avait neuf ans, par sa mère adoptive, maman Blanche, une petite fille envoyée par l’Assistance Publique dans des familles d’accueil dans les fermes du Bourbonnais, à la fin des années 30, va conserver malgré la saleté et la bêtise qui l’entourent souvent, malgré les mauvais traitements, les coups qu’elle reçoit parfois, un goût de vivre, d’apprendre, d’aimer qui la fera remarquer un jour par des « parisiens » en vacances près de Vézelay et l’entraînera dans un univers où elle va côtoyer Éluard, Braque, Picasso, René Char - univers dont elle va s’échapper sans regret à sa majorité pour aller vivre en Israël.

Yvette Thomas pour évoquer son enfance a su trouver un ton, un style qui nous restituent toute la densité charnelle d’un monde paysan aujourd’hui disparu. Un monde où la cruauté et la bonté se côtoient et s’expriment sans la moindre sophistication,un monde où le Mal et le Bien sont les deux faces indissociables de la vie. Ces souvenirs d’enfance, qui forment la première partie du livre, sont évoqués dans une effusion pleine de jubilation.

On sent plus de réticences dans ce qui est dit à partir du moment où Yvette est adoptée par le couple Zervos et où sa vie se trouve mêlée à celle de gens aujourd’hui reconnus et célébrés comme de grands auteurs ou de grands peintres.

L’adulte qui écrit ces souvenirs (à partir de 1980 ainsi qu’elle le note) a alors plus de difficultés à se laisser aller à sa spontanéité, à retrouver intact le regard que l’adolescente portait sur ces hommes et ces femmes qui, par leurs œuvres, ont acquis de nos jours un statut d’Artistes. C’est de manière souvent allusive qu’elle laisse entrevoir leurs défauts et parfois leurs bassesses, mais on ne peut que lui savoir gré de sa discrétion. Ce que nous retiendrons c’est la pureté intransigeante du regard de cette femme qui a su rester fidèle à l’injonction de maman Blanche :

« N’oublie jamais que personne ne peut te salir, t’abaisser, t’humilier que toi même »